Intérêt de l’imagerie rétinienne en RétroMode
L’imagerie RétroMode est une technique d’acquisition unique et non invasive. Bien qu’elle soit considérée comme une modalité émergente, les premières publications y faisant référence remontent à 2009. Récemment, elle a été utilisée dans l’évaluation de plusieurs pathologies choriorétiniennes, démontrant sa complémentarité avec les autres imageries multimodales.
Principe
Il s’agit d’une technique d’imagerie SLO (Scanning Laser Ophthalmoscopy) qui utilise un laser infrarouge de 790 nm et un arrangement optique particulier : l’ouverture confocale, enregistrant la lumière réfléchie par les structures choriorétiniennes, est équipée d’un « stop central » et est déviée latéralement (à droite ou à gauche), ce qui permet au détecteur de collecter simultanément la lumière réfléchie latéralement par une lésion et l’ombre controlatérale qui en résulte (figure 1). Le résultat est une image en face, en nuance de gris et en pseudo-3D. L’imagerie RétroMode est analogue aux principes de rétro-illumination employée pour l’examen du segment antérieur.
Appareils équipés
Deux appareils, tous deux commercialisés par Nidek, sont équipés de l’imagerie RétroMode : le Digital Ophthalmoscope F-10 (2009) et le Mirante SLO, plus récent.
Principales applications cliniques
L’imagerie RétroMode a servi dans l’évaluation de .plusieurs pathologies rétiniennes : œdème maculaire cystoïde secondaire à la vasculopathie polypoïdale choroïdienne, aux rétinites pigmentaires ou aux pathologies vasculaires rétiniennes, rétinoschisis myopique ou lié à l’X, drusen et autres pseudo-drusen réticulés, atrophie géographique, choriorétinite séreuse centrale, micro.anévrysmes diabétiques, cicatrices de laser infraliminaire, diverses dystrophies rétiniennes, rétinopathie liée à .l’hydroxychloroquine, plis choriorétiniens associés à .l’hypotonie ou à la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada, hémangiome caverneux rétinien, ou encore lésions rétiniennes périphériques [1,2].
Pratique clinique
Son principal intérêt repose sur sa capacité à .détecter précocement des altérations non visibles par l’imagerie multimodale conventionnelle. En effet, elle permet une acquisition à haute résolution (6,6 µm/pixel) et la latéralisation du faisceau lumineux incident fait .apparaître les lésions en relief avec une face illuminée et une face controlatérale sombre. Des études récentes ont montré sa .sensibilité pour la caractérisation et l’identification de drusen de petite taille et de pseudo-drusen réticulés dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) débutante [3]. L’imagerie RétroMode a également démontré son excel.lente sensibilité dans la détection des lésions .débutantes de la rétinopathie liée à l’hydroxychloroquine, .comparativement à la tomographie par cohérence optique (OCT) et à l’autofluorescence [4].
De même, plusieurs études ont prouvé sa fiabilité pour repérer les lésions vasculaires responsables d’œdèmes maculaires et planifier leur traitement par laser focal [5]. L’imagerie RétroMode est également capable de détecter les cicatrices cliniquement invisibles mais imprimées sur l’épithélium pigmentaire par le laser focal.
Récemment, les études sur la quantification de l’aire de l’atrophie géographique dans la DMLA ont révélé un haut niveau de corrélation avec l’imagerie en autofluorescence, qui est considérée comme le gold standard dans les études cliniques sur la DMLA atrophique. Les avantages de l’imagerie RétroMode dans cette indication pourraient provenir de sa rapidité d’acquisition (intéressante dans le cas d’une perte de fixation), l’absence .d’illu.mination inconfortable pour le patient, sa résistance aux opacités des milieux et la possibilité d’acquisitions grand-champ [6].
Quel avenir ?
Cette question peut paraître prématurée car le passé et le présent de cette technique manquent encore d’études prospectives de plus grande ampleur validant son indication dans le diagnostic et le suivi des pathologies précédemment mentionnées. De plus, la diffusion du Mirante est encore limitée et son usage reste confidentiel en .routine clinique.
Néanmoins, plusieurs pistes d’amélioration pourraient faciliter son utilisation et l’interprétation des images. En effet, l’acquisition simultanée de l’OCT et du RétroMode permettrait la colocalisation des anomalies sur chacune des imageries, ainsi que l’identification précise de la .profondeur et de la nature des lésions visibles en RétroMode. La superposition automatique de l’imagerie RétroMode avec les clichés d’autofluorescence permettrait de renseigner le corrélat « fonctionnel » ou « métabolique » des anomalies structurelles visibles en RétroMode. Cet ajout serait particulièrement intéressant dans l’interprétation de la zone jonctionnelle de l’atrophie géographique dans la DMLA, qui est un paramètre d’estimation de la vitesse de progression de l’atrophie.
L’imagerie RétroMode utilise une longueur d’onde importante qui facilite l’exploration des lésions choroïdiennes. Son intérêt dans la caractérisation des lésions .choroïdiennes tumorales reste à démontrer. Des critères quantitatifs et qualitatifs permettant de distinguer la nature bénigne ou maligne de lésions choroïdiennes, comme les naevi, pourraient faciliter cette démarche diagnostique.
Conclusion
L’imagerie RétroMode est un outil de recherche .émergent et excitant. Sa capacité à détecter des lésions précliniques débutantes pouvant être manquées par .l’imagerie conventionnelle amplifie la nécessité d’études complémentaires pour valider son utilisation en pratique clinique.
Références bibliographiques
[1] Nakakura S, Okamoto A, Nagasato D et al. Hypotony maculopathy obtained by retro-mode retinal imaging. Ophthalmology. 2015;122(1):216-7.
[2] Lee WJ, Lee BR, Shin YU. Retromode imaging: Review and perspectives. Saudi J Ophthalmol. 2014;28(2):88-94.
[3] Cozzi M, Monteduro D, Parrulli S et al; Sensitivity and specificity of multimodal imaging in characterizing drusen. Ophthalmol Retina. 2020;4(10):987-95.
[4] Ahn SJ, Lee SU, Lee SH, Lee BR. Evaluation of retromode imaging for use in hydroxychloroquine retinopathy. Am J Ophthalmol. 2018;196:44-52.
[5] Boiko EV, Maltsev DS. Retro-Mode scanning laser ophthalmoscopy planning for navigated macular laser photocoagulation in macular edema. J Ophthalmol. 2016;2016:3726353. [
6] Corradetti G, Byon I, Corvi F et al. Retro mode illumination for detecting and quantifying the area of geographic atrophy in non-neovascular age-related macular degeneration. Eye (Lond). 2021. doi:10.1038/s41433-021-01670-3