Incidence, facteurs de risque et formes cliniques des membranes épirétiniennes

Les membranes épirétiniennes (MER) sont des pathologies fréquentes et correspondent à une prolifération bénigne fibrocellulaire avasculaire contractile au niveau de la macula, à l’interface vitréo-rétinienne. Elles peuvent être idiopathiques ou primaires (sans étiologie retrouvée) dans 80% des cas ou secondaires à des pathologies oculaires comme la rétinopathie diabétique ou le décollement de rétine par exemple dans 20% des cas. Dans les formes idiopathiques, elle est chronologiquement liée à la survenue du décollement postérieur du vitré qui est présent dans 80 à 95% des cas au diagnostic. La maladie est unilatérale la plupart du temps, mais elle peut atteindre les 2 yeux dans environ 20 à 30% des cas.

Incidence et facteurs de risque

D’après une méta-analyse récente incluant 13 études et 49 697 patients, la prévalence des MER idiopathiques est de 2,6% tous âges confondus et elle augmente avec l’âge [1]. La prévalence des MER secondaires atteint 5,1% dans cette même méta-analyse. Les 2 principaux facteurs de risque de MER idiopathique sont l’âge et le sexe féminin (OR = 1,34). La chirurgie de la cataracte est un facteur de risque qui est retrouvé de manière inconstante dans les études. L’origine ethnique, la myopie, l’hypertension, la dyslipidémie ou encore l’obésité n’ont pas été retrouvées comme facteurs de risque de développer une membrane épirétinienne.
La composition cellulaire des MER idiopathiques comprend des myofibroblastes, de la microglie, des hyalocytes et des cellules gliales. La matrice extracellulaire est composée de plusieurs types de collagène ainsi que d’autres molécules telles que la fibronectine ou la thrombospondine. Les myofibroblastes sont responsables du caractère contractile de la membrane et de la production excessive de collagène dans la matrice extracellulaire. Ces cellules pourraient provenir de la transdifférenciation de cellules de Müller, de hyalocytes ou encore de cellules de l’épithélium pigmentaire sous l’effet de cytokines profibrotiques de la famille des TGFß.

Formes cliniques

Les signes cliniques amenant à consulter sont une baisse d’acuité visuelle, des métamorphopsies et parfois un scotome central et une diplopie. La membrane est visible cliniquement au fond d’œil sous la forme d’un voile transparent recouvrant la rétine, avec parfois une modification du trajet des vaisseaux en regard par contraction de la membrane. Le diagnostic est confirmé par la tomographie par cohérence optique (OCT) par la visualisation d’une couche hyperréflective et irrégulière à la surface de la membrane limitante interne. Sa contraction peut entraîner un effacement de la dépression fovéolaire, une augmentation de l’épaisseur maculaire centrale et des plis rétiniens (figure 1). L’image en face permet de bien visualiser la contraction de la membrane. D’autres modifications intrarétiniennes peuvent être présentes : un effacement de la ligne ellipsoïde, un soulèvement rétrofovéolaire, une désorganisation des couches rétiniennes internes (DRIL) (figure 2) ou encore des logettes intrarétiniennes (fovéoschisis ou encore logettes microkystiques de la couche nucléaire interne). Un dépôt de matériel vitelliforme dans l’espace sous-rétinien peut également apparaître dans les formes tardives. 

Une conférence de consensus internationale récente a permis de définir plusieurs formes cliniques particulières de MER qui pouvaient autrefois être confondues avec les trous lamellaires : les membranes avec pseudo-trou (figure 3) et les membranes avec fovéoschisis (figure 4) [2]. Les premières sont définies comme des MER avec une épargne fovéolaire, possiblement liée à une contraction centripète de la MER. En OCT, elles sont caractérisées par une verticalisation des bords de la fovéa avec une épaisseur centrale rétinienne normale ou augmentée. Un fovéoschisis (anciennement appelé clivage lamellaire) peut s’y associer. La chirurgie des MER avec pseudo-trou apporte de bons résultats anatomiques et fonctionnels. Ces résultats étaient similaires avec ou sans fovéoschisis associé au pseudo-trou [3].
Les MER avec fovéoschisis sont définies comme des membranes tractionnelles associées à un clivage des couches internes de la rétine au niveau de la couche des fibres de Henlé, visible en OCT comme des logettes cystoïdes étirées hyporéflectives à ce niveau. Il peut également exister des cavités kystiques au niveau de la couche nucléaire interne et de la couche des cellules ganglionnaires. Le fovéoschisis pourrait être lié à la traction tangentielle de la membrane avec une élévation des couches internes de la rétine et une verticalisation des cellules de Müller, normalement en forme de Z, qui entraîne une accumulation de fluide depuis le vitré. La chirurgie permet une résolution complète du fovéoschisis dans 77% des cas après un suivi moyen de 18 mois (figure 4), avec de bons résultats fonctionnels. En effet, le pronostic visuel des MER avec fovéoschisis semble similaire à celui des MER sans kystes. À noter cependant qu’il existait une proportion plus importante d’œdèmes maculaires aigus postopératoires résolutifs sous traitement médical. Cela pourrait être causé par une altération des cellules de Müller [4].

Facteurs pronostiques

Le traitement chirurgical peut être proposé dans les formes symptomatiques quand l’acuité visuelle est inférieure ou égale à 6/10 et/ou en cas de métamorphopsies invalidantes. Il consiste en une vitrectomie associée à un pelage de la membrane épirétinienne avec ou sans pelage actif de la membrane limitante interne.
L’acuité visuelle initiale est le principal facteur prédictif de la récupération fonctionnelle postopératoire d’après une méta-analyse de 2015 [5]. À l’OCT, l’intégrité de la zone ellipsoïde et de la zone d’interdigitation, la DRIL ou encore l’ectopie des couches fovéolaires internes ont également été retrouvées comme des facteurs prédictifs. D’autres facteurs comme la durée des symptômes, la sévérité des métamorphopsies ou encore la présence d’un œdème microkystique dans la couche nucléaire interne sont controversés.

Conclusion

Les membranes épirétiniennes sont des pathologies fréquentes, avec une prévalence de 2,6% dans la population générale. Les principaux facteurs de risque sont l’âge et le sexe féminin. Les membranes épirétiniennes sont idiopathiques dans près de 80% des cas. Il existe plusieurs formes cliniques particulières de membranes idiopathiques : la membrane avec pseudo-trou et la membrane avec fovéoschisis. La chirurgie de ces formes particulières de membranes apporte de bons résultats anatomiques et fonctionnels, similaire à celle des autres membranes idiopathiques.

Références bibliographiques
[1] Xiao W, Chen X, Yan W et al. Prevalence and risk factors of epiretinal membranes: a systematic review and meta-analysis of population-based studies. BMJ Open. 2017;7(9):e014644.
[2] Hubschman JP, Govetto A, Spaide RF et al. Optical coherence tomography-based consensus definition for lamellar macular hole. Br J Ophthalmol. 2020;104(12):1741-7.
[3] Gaudric A, Aloulou Y, Tadayoni R, Massin P. Macular pseudoholes with lamellar cleavage of their edge remain pseudoholes. Am J Ophthalmol. 2013;155(4):733-42.
[4] Lam M, Philippakis E, Gaudric A et al. Postoperative outcomes of idiopathic epiretinal membrane associated with foveoschisis. Br J Ophthalmol. 2021;bjophthalmol-2020-317982.
[5] Scheerlinck LME, van der Valk R, van Leeuwen R. Predictive factors for postoperative visual acuity in idiopathic epiretinal membrane: a systematic review. Acta Ophthalmol. 2015;93(3):203-12.

Auteurs

  • Marion Lam

    Interne en ophtalmologie

    Hôpital Lariboisière, Paris

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