Implants intraoculaires du pseudophake : vers une meilleure pratique
SAFIR 2022
Symposium Johnson & Johnson

La multiplication des implants intraoculaires, qu’ils soient monofocaux, multifocaux ou plus récemment EDOF, a rendu le choix du bon dispositif de plus en plus ardu. Alexandre Denoyer, Alice Grise-Dulac et Arnaud Payerols sont revenus sur les différents paramètres permettant un choix individualisé et pertinent.
Se retrouver dans les nouveaux implants
D’après l’intervention du Pr Alexandre Denoyer
Depuis le début des années 2000 et l’apparition des premiers implants intraoculaires asphériques faisant suite à une chirurgie de la cataracte, le nombre de dispositifs proposés et les technologies associées à chacun d’eux se sont démultipliés, rendant leur paysage et leur classification tentaculaires.
Parmi ceux-ci, les implants EDOF ont actuellement le vent en poupe. Un implant EDOF (Extended Depth of Focus) est caractérisé comme tel par l’American National Standards Institute s’il « augmente la profondeur de défocus comparativement à un implant monofocal de contrôle, en améliorant significativement la vision intermédiaire photopique sans diminuer la vision de loin » ; il doit, par ailleurs, augmenter la profondeur de champ de 0,5 dioptrie par rapport à l’implant monofocal de contrôle.
Il est souvent retenu dans la pratique courante que ces implants doivent permettre d’obtenir une vision intermédiaire d’au moins 0,2 logMAR.
Les différentes technologies permettant d’obtenir une profondeur de champ accrue sont :
- les implants EDOF diffractifs permettant une bonne acuité visuelle tant en vision de loin, intermédiaire que de près. Cependant, la vision de près reste souvent de moins bonne qualité qu’avec un implant multifocal. Ces implants sont également responsables d’effets photiques plus importants que les implants réfractifs ou monofocaux. Pour diminuer les dysphotopsies, il a été proposé par certains laboratoires de filtrer la lumière dans le spectre du bleu-violet. Les implants EDOF diffractifs ne peuvent par ailleurs pas être proposés à tous les patients, et répondent aux mêmes contre-indications que les implants multifocaux ;
- les implants EDOF réfractifs, qui sont fondés sur les modulations d’aberrations sphériques d’ordre élevé (4e et 6e ordres). Ils tentent de se rapprocher des modifications s’opérant au niveau du cristallin avec l’avance en âge et permettent d’augmenter la profondeur de champ par ce biais. Ils minimisent les effets photiques importants. Les modulations d’aberrations sphériques peuvent être :
- soit douces, et les implants s’approchent alors plus des implants monofocaux. Il est fréquent de parler de ces implants comme de « Monofocaux Plus » ; ils permettent une défocalisation jusqu’à 1,5 dioptrie (= 66 cm),
- soit fortes, et ils permettent alors une vision intermédiaire aux environs de 0,1 logMAR.
Il est possible que, dans un futur proche, les implants EDOF avec modulation douce des aberrations sphériques centrales soient implantés en première intention chez tous les patients. Ils permettent en effet d’améliorer la qualité de vie du patient en optimisant sa vision intermédiaire sans présenter d’effet photique. Par ailleurs, ils ne nécessitent aucun discours particulier auprès du patient ni d’examen complémentaire de la part de l’ophtalmologue.
L’amélioration de la vision intermédiaire au cœur de l’amélioration de la qualité de vie
D’après l’intervention du Dr Alice Grise-Dulac
La chirurgie de la cataracte est désormais un acte à la fois thérapeutique et réfractif grâce aux micro-incisions, aux calculateurs précis et aux implants individualisés. Il est important d’améliorer la qualité de vision aussi bien que la qualité de vie.
La qualité de vision, en postopératoire d’une chirurgie de la cataracte, dépend d’une part de l’œil du patient, fonction de la transparence des différents milieux et des aberrations optiques sphériques de l’œil, et d’autre part du choix du bon implant via la puissance dioptrique de l’implant et des zones de défocalisation.
La multiplication du numérique, dans nos activités professionnelles, nos loisirs ou encore à la conduite, sollicite de plus en plus l’utilisation de la vision intermédiaire.
L’ESCRS (European Society of Cataract and Refractive Surgeons) définit la vision intermédiaire comme étant la zone de vision située entre 50 cm et 1 m, rendant compte qu’il n’existe pas une vision intermédiaire mais une zone de vision intermédiaire. Dans une étude récente, à laquelle le Pr Béatrice Cochener a participé, elle représente environ 30% du temps chez les jeunes retraités.
Augmenter la vision intermédiaire permet d’optimiser la qualité de vie ressentie par les patients. Actuellement, trois quarts des patients opérés de la cataracte ne sont pas satisfaits de leur qualité de vision intermédiaire.
Les implants EDOF sont de bons candidats pour améliorer la qualité de la vision intermédiaire des patients. Ils sont de plus en plus utilisés, comme l’a souligné le Dr Raphaël Barugel lors de la présentation, au cours de la SAFIR 2022, de l’enquête sur les pratiques des ophtalmologistes français.
Cela explique l’intérêt des implants Monofocaux Plus, à l’exemple du TECNIS Eyhance (Johnson & Johnson), qui permettent d’améliorer la vision intermédiaire grâce à une large plage de défocus obtenue par une augmentation de puissance douce de la périphérie vers le centre de l’implant, sans pour autant présenter d’effet photique important ni nécessiter un apprentissage particulier lors de l’implantation ou de la préparation de l’implant.
Par ailleurs, les implants réfractifs par modulation douce des aberrations sphériques ne sont pas contre-indiqués chez le patient glaucomateux (absence de majoration des déficits campimétriques), ni chez le myope fort ou chez le patient présentant une pathologie maculaire. De surcroît, grâce à une large courbe de défocalisation, ils autorisent une erreur réfractive permettant également de le proposer en postopératoire d’une chirurgie réfractive ou cornéenne. Ces implants EDOF réfractifs existent également en version torique afin de corriger l’astigmatisme, leur seul inconvénient étant alors l’absence d’amélioration de l’acuité visuelle en vision de près.
Information du patient : la pierre angulaire du succès de l’implant multifocal
D’après l’intervention du Dr Arnaud Payerols
Proposer le bon implant au bon patient permettra de lui offrir une meilleure qualité de vie et de vision en postopératoire d’une chirurgie de la cataracte. Afin de choisir au mieux les candidats à un implant multifocal ou EDOF diffractif, il faut s’intéresser à leur vie, à leur anatomie ainsi qu’à l’implant qu’il est possible de leur proposer.
L’habitus du patient est le primum movens de tout acte réfractif. En effet, il faut savoir si le patient est compliant, souhaite être indépendant d’une correction optique, comprend le compromis qui va être réalisé entre les différentes zones de vision et est conscient qu’il existe inexorablement un risque d’erreur réfractive. Son activité professionnelle et ses loisirs entrent également en compte afin de prévenir des effets photiques notamment.
L’examen ophtalmologique doit rechercher des contre-indications à la multifocalité, notamment une amblyopie, en particulier relative s’il existe une anisométropie, un astigmatisme irrégulier, des troubles de la surface oculaire, une myopie forte, des pathologies maculaires ou un glaucome évolué. Chacune de ces anomalies contre-indiquerait un implant multifocal ou un implant EDOF diffractif.
L’examen du diamètre pupillaire est également primordial. Un petit diamètre, agissant tel un trou sténopéique, orienterait plutôt vers un implant monofocal ou monofocal plus ; un grand diamètre nécessite d’informer le patient d’un risque accru d’effets photiques. De plus, un décentrement pupillaire rendrait inadéquat les implants corrigeant la presbytie.
La biométrie est d’autant plus importante pour le choix des implants multifocaux. Il est nécessaire de s’assurer de la véracité et de la reproductibilité des mesures. Il ne faut pas hésiter à multiplier les mesures et à les comparer à l’œil adelphe. Il est également important de personnaliser ses constantes et de comparer les différentes méthodes de calcul.
On gardera en tête qu’un patient présentant une forte hypermétropie tolérera une vision de près imparfaite et sera alors un bon candidat à un implant EDOF ou multifocal de faible addition, à l’inverse d’un patient myope qui, habitué à une bonne vue de près, sera moins exigeant en vision de loin et à qui on proposera plutôt un implant multifocal à plus forte addition.
Afin d’obtenir les meilleurs résultats réfractifs et la meilleure qualité de vision, tout astigmatisme supérieur à 0,75 dioptrie nécessitera d’être corrigé par un implant torique.
Enfin, chez un patient que l’on orientera vers un implant multifocal, on prendra le temps nécessaire pour s’entretenir avec lui et on tiendra un discours rodé le plus honnête et le plus réaliste possible quant aux résultats attendus et aux compromis à accepter. Cela permettra d’éviter au mieux les incompréhensions et attentes irréalistes en postopératoire.
La clef, lors du choix d’un implant premium, est l’information au patient.
Pour conclure, le Pr Denoyer a fait remarquer que la pause sanitaire qui s’est imposée à nous a permis de rendre les pratiques toujours plus qualitatives et d’augmenter le temps dédié au patient. Afin que demain, nous allions toujours vers une meilleure pratique, nous devons nous atteler à obtenir une médecine de plus en plus qualitative en avançant dans la connaissance des pratiques et en recentrant le patient au centre du parcours de soin.