Hypertension intracrânienne chronique secondaire à une thrombose veineuse cérébrale

Nous avons pris en charge un patient de 20 ans de type caucasien, sans antécédent notable hormis un terrain migraineux, qui présente depuis 8 jours des céphalées holocrâniennes d’aggravation progressive, cotées à 6/10 et non soulagées par le paracétamol.

Observation

L’examen neurologique revient sans particularité. À l’examen ophtalmologique, nous retrouvons une acuité visuelle (AV) corrigée [-0,50 (-0,25)165° / +0,25 (-0,50)20°] à 4/10 de loin, Parinaud 4 aux 2 yeux. La pression intraoculaire est dans les normes (15/16). L’examen à la lampe à fente du segment antérieur est strictement normal. 

Le fond d’œil met en évidence un œdème papillaire bilatéral de stase de grade 4, une tortuosité veineuse ainsi que des plis rétiniens en étoile autour de la fovéa (figure 1).

L’examen oculomoteur met en évidence une paralysie du VI gauche, confirmée par le Lancaster (figure 2).

L’OCT des fibres nerveuses rétiniennes papillaires (RNFL) confirme l’œdème papillaire bilatéral. L’OCT maculaire retrouve un décollement séreux rétinien (DSR) bilatéral et de nombreuses logettes intrarétiniennes en lien avec la diffusion de l’œdème papillaire (figure 3).

La tension artérielle est normale.
Devant cette suspicion d’hypertension intracrânienne (HTIC), le patient bénéficie en urgence d’une IRM et d’un angioscanner cérébral qui retrouvent une importante thrombose veineuse cérébrale droite du sinus latéral, du sinus sigmoïde et de la veine jugulaire (figure 4).

Le patient est pris en charge en soins intensifs de neurologie à l’hôpital de Vannes où une anticoagulation curative est débutée. L’HTIC est traitée par une ponction lombaire déplétive et du diamox 250 mg 1 comprimé 3 fois par jour.

Suivi

Les céphalées et la diplopie ont rapidement disparu dans les 48 heures suivant la mise en place du traitement. La paralysie du VI gauche régresse totalement au cours de la semaine et l’AV remonte à 8/10 aux 2 yeux.

Au fond d’œil, l’œdème papillaire a diminué mais reste très important à l’OCT, entre 700 et 800 microns d’épaisseur moyenne aux 2 yeux (figure 5).

À 1 mois, l’AV corrigée de loin est à 10/10. Il persiste néanmoins un œdème papillaire de grade 2 malgré la poursuite du diamox à 4 comprimés par jour et une nouvelle ponction lombaire déplétive (200 microns à droite et 250 à gauche au RNFL). Un champ visuel de Humphrey est réalisé et retrouve aux 2 yeux des altérations diffuses du champ visuel (figure 7).

L’IRM de contrôle retrouve la persistance du thrombus occlusif de la jugulaire droite.
Le dossier est présenté en staff de neurochirurgie à Nantes. Il est décidé de réaliser une troisième ponction lombaire évacuatrice, de majorer le diamox à 8 comprimés par jour et de contrôler l’évolution à 3 semaines.
À la fin de ces 3 semaines, l’œdème papillaire s’est normalisé et nous ne constatons pas de dégradation du champ visuel.
Le patient devant déménager à Paris pour ses études, nous avons confié la suite de la prise en charge à nos confrères parisiens.
Le bilan étiologique de cette thrombose est revenu négatif.

Discussion

Ce cas clinique met en lumière l’importance de l’examen ophtalmologique dans le diagnostic et le suivi des hypertensions intracrâniennes. En effet, malgré la rapide disparition de la plainte visuelle du patient, un important œdème papillaire persistait, pouvant mettre en jeu le pronostic visuel.
Dans la thrombose veineuse cérébrale, les patients présentent fréquemment une HTIC transitoire, facilement traitable par diamox seul. Dix pour cent d’entre elles se compliqueront néanmoins d’une HTIC chronique nécessitant une escalade thérapeutique [1]. Le suivi de l’œdème papillaire grâce à l’OCT est essentiel dans l’HTIC chronique. La répétition des champs visuels trouve sa place appropriée dans la détection précoce des altérations de la fonction visuelle.
Pour ce jeune patient avec une bonne tolérance clinico-biologique du diamox, la prise en charge chirurgicale a pu être évitée. La fenestration des nerfs optiques a peu d’effet sur la pression intracrânienne mais permet, dans l’HTIC chronique, de prévenir l’apparition d’une amputation du champ visuel [2]. Une nouvelle alternative, passant par le stenting des sinus veineux, a vu le jour avec le développement de la neuroradiologie interventionnelle. Elle est maintenant régulièrement utilisée dans le traitement de l’HTIC idiopathique et est à discuter en centre expert au cas par cas dans les HTIC secondaires réfractaires [3].

En résumé
• La grande majorité des HTIC secondaires à une thrombose veineuse cérébrale sont transitoires et traitables par diamox seul.
• Dix pour cent des thromboses veineuses cérébrales se compliqueront d’une HTIC chronique.
• Le suivi de l’HTIC chronique doit être réalisé conjointement avec les neurologues. Pour l’ophtalmologiste, il passe essentiellement par le suivi à l’OCT de l’œdème papillaire et une vigilance autour de l’altération du champ visuel.
• Une escalade thérapeutique peut passer par des ponctions lombaires évacuatrices, un acte chirurgical ou endovasculaire à discuter en staff pluridisciplinaire.

Références bibliographiques
[1] Geisbusch C, Herweh C, Gumbinger C et al. Chronic intracranial hypertension after cerebral venous and sinus thrombosis – frequence and risk factors. Neurol Res Pract. 2021;3(1):28.
[2] Chen H, Zhang Q, Tan S et al. Update on the application of optic nerve sheath fenestration. Restor Neurol Neurosci. 2017;35(3):275-86.
[3] Daggubati LC, Liu KC. Intracranial venous sinus stenting : A reviews of idiopathic intracranial hypertension en expanding indications. Cureus. 2019;11(2):e4008.

Auteurs

  • Gaétan Naux

    Ophtalmologiste

    Centre hospitalier de Vannes

  • Valentin Pasco

    Ophtalmologiste

    Centre hospitalier Bretagne Atlantique, Vannes

Les derniers articles sur ce thème

L'accès à la totalité de la page est protégé.

Je m'abonne

Identifiez-vous