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Hémorragie maculaire traitée par triple thérapie intravitréenne

M. M., 78 ans, monophtalme post-traumatique, consulte pour une baisse d’acuité visuelle brutale de l’œil gauche. Ses antécédents sont un AVC, une myélodysplasie, la maladie d’Alzheimer et une insuffisance rénale chronique. Il est sous antiagrégants plaquettaires et anticoagulants.

Observation
L’examen relève une acuité visuelle (AV) limitée à la perception des mouvements. Le segment antérieur présente une cataracte corticonucléaire. Au fond d’œil, un hématome péripapillaire et maculaire est mis en évidence, ainsi que des lésions périphériques atrophiques sans traction vitréo-rétinienne périphérique, et un décollement postérieur complet du vitré (figure 1).

La prise en charge comporte, après ponction de chambre antérieure déplétive, la première injection intravitréenne (IVT) d’anti-VEGF d’une phase d’induction du traitement de fond par T & E de la DMLA exsudative (ranibizumab 0,05 ml), fibrinolytique tPA (50 µg/0,05 mL), et 0,4 CC de gaz SF6 pur. Le positionnement regard dirigé vers le sol doit permettre le déplacement de l’hématome par les forces conjuguées pneumatique et gravitationnelle. Le lendemain, l’aspect est similaire (figure 2), le patient a eu des difficultés à tenir la position.

À J7, après le positionnement adéquat, l’AV est de 20/200, on objective un déplacement inférieur de l’hématome avec persistance d’un décollement de l’épithélium pigmentaire (DEP) (figure 3). Au cours du suivi, l’occurrence d’une hémorragie intravitréenne (HIV) ralentit la récupération fonctionnelle. Les IVT mensuelles d’anti-VEGF sont poursuivies. À M3, l’AV est de 20/100, l’axe visuel est dégagé. L’AV reste stable, malgré la réapparition d’un DEP. Le traitement de la maladie de fond est poursuivi, une chirurgie de la cataracte est pratiquée.

L’AV finale est de 5/10, l’OCT ne présente pas de signes exsudatifs (figure 4). Dans le cadre du T & E, l’intervalle entre les IVT est augmenté. 

Discussion
L’hémorragie sous-maculaire (HSM), entre rétine neurosensorielle et rétine pigmentaire, peut aussi advenir sous l’épithélium pigmentaire (EP). C’est une complication rare et grave de la DMLA qui entraîne, dès les premières 24 heures, des lésions irréversibles de la rétine et de l’EP liées à l’obstacle au passage des nutriments vers la rétine, à l’altération des couches rétiniennes externes via la contraction du caillot de fibrine et à la toxicité du fer et de l’hémosidérine [1]. Sans traitement, l’AV finale moyenne est de 20/1600 [2].
La clinique est une baisse d’AV brutale, avec scotome central. Au fond d’œil, l’hématome sous-rétinien (HSR) est rouge vif, avec des marges indistinctes, tandis que l’hémorragie sous-EP a une apparence rouge foncé, presque noire, et des marges bien définies [3]. En OCT, l’HSR se présente comme un espace hyperréflectif de densité variable, entre la rétine neurosensorielle et la rétine pigmentaire avec effet d’ombre.
La triple thérapie intravitréenne utilise le rTPA et le gaz pour dissoudre et déplacer le caillot, tandis que l’anti-VEGF traite le complexe néovasculaire sous-jacent. La procédure peut être effectuée rapidement et le traitement concomitant par IVT d’anti-VEGF pourrait mener à moins d’HIV [4,5] ; la PIO doit être contrôlée. Comparée à la vitrectomie avec TPA, gaz et la thérapie anti-VEGF, la technique utilisée dans ce cas est plus facilement disponible, semble être plus sûre, mais moins appropriée pour des HSM massives [6] ou lors d’une HIV associée. Son efficacité comparative est l’objet d’une étude prospective en cours. Le déplacement de l’hématome est décrit dans plus de 75% des cas et l’AV est améliorée jusqu’à 20/100 en moyenne [4,5]. Indépendamment de la modalité de traitement, les bénéfices d’une intervention diminuent au-delà de 2 à 3 semaines.

Références bibliographiques
[1] De Jong JH, van Zeeburg EJ, Cereda MG et al. Intravitreal versus subretinal administration of recombinant tissue plasminogen activator combined with gas for acute submacular hemorrhages due to age-related macular degeneration: an exploratory prospective study. Retina. 2016;36(5):914-25.
[2] Toth CA, Morse LS, Hjelmeland LM, Landers MB3rd. Fibrin directs early retinal damage after experimental subretinal hemorrhage. Arch Ophthalmol. 1991;109(5):723-9.
[3] Stanescu-Segall D, Balta F, Jackson TL. Submacular hemorrhage in neovascular age-related macular degeneration: a synthesis of the literature. Surv Ophthalmol. 2016;61(1):18‑32.
[4] Guthoff R, Guthoff T, Meigen T, Goebel W. Intravitreous injection of bevacizumab, tissue plasminogen activator, and gas in the treatment of submacular hemorrhage in age-related macular degeneration. Retina. 2011;31(1):36-40.
[5] Papavasileiou E, Steel DHW, Liazos E et al. Intravitreal tissue plasminogen activator, perfluoropropane (C3F8), and ranibizumab or photodynamic therapy for submacular hemorrhage secondary to wet age-related macular degeneration. Retina. 2013;33(4):846-53.
[6] Schmidt JC, Meyer CH, Hörle S. [Massive subretinal hemorrhages. A challenge for vitreous body surgeons]. Ophthalmologe. 2004;101(6):584-8.

Auteurs

  • Arthur Aulanier

    Interne en ophtalmologie

    CHU Hôpitaux nord Marseille

  • Pierre Gascon

    Ophtalmologiste

    Service d’ophtalmologie, hôpital Nord, Marseille

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