Glaucome : quelles controverses en 2019 ?
Symposium organisé par Théa le 11 mai 2019
Glaucome juvénile : un traitement médical en premier lieu
D’après l’intervention du Pr Jean-Philippe Nordmann (Paris)
Le glaucome juvénile au sens strict est un glaucome primitif à angle ouvert survenant avant l’âge de 20 ans (voire entre 35 et 40 ans selon certaines études), à très forte proportion héréditaire et de fréquence très faible en ayant éliminé les glaucomes congénitaux tardifs.
Le premier problème est qu’il n’existe pas de traitement médical du glaucome juvénile. Le seul ayant bénéficié d’une étude chez l’enfant est le latanoprost. De ce fait, on peut, dans cette pathologie, appliquer toutes les classes thérapeutiques, sauf les alpha2-agonistes. La trabéculoplastie à l’argon n’est pas à utiliser et le SLT est peu efficace.
Le traitement médical est la première étape dans le glaucome juvénile. La chirurgie n’est réservée qu’en cas d’échec de celui-ci et elle est proposée tardivement.
Glaucome juvénile : côté chirurgical
D’après l’intervention du Pr Jean-Paul Renard (Paris)
Les caractéristiques cliniques du glaucome juvénile sont :
- une élévation importante de la pression intraoculaire (PIO) ;
- une grande fluctuation de la PIO ;
- une anomalie de l’angle iridocornéen (trabéculodysgénésie dans 50% des cas) ;
- une excavation profonde et abrupte, avec un amincissement concentrique de l’anneau neurorétinien.
L’objectif du traitement est de préserver la fonction visuelle avec la meilleure qualité de vie possible, libre de toute charge thérapeutique inutile. Il faut donc assurer un traitement efficace avec le minimum de contraintes et d’effets secondaires.
Dans le glaucome juvénile idiopathique, la détection clinique est souvent tardive, avec des stades cliniques avancés.
La chirurgie permet de lever l’obstacle trabéculaire et de rétablir les voies d’évacuation de l’humeur aqueuse. De ce fait, les interventions chirurgicales sont souvent précoces. On peut proposer :
- une trabéculectotomie ab externo (86% de succès) ;
- une chirurgie filtrante avec antifibrotiques ;
- une chirurgie filtrante avec un implant Ologen ;
- des implants de drainage.
Il est important de réaliser des examens oculaires périodiques avec une surveillance des enfants et des adultes myopes, surtout en cas d’antécédents familiaux de glaucome. Il est nécessaire de gérer prudemment la PIO et d’assurer une surveillance étroite à cause du problème de fluctuation de la pression (facteur de risque de progression rapide), de problème d’observance et de tolérance, afin de vite passer au versant chirurgical.
Glaucome par fermeture de l’angle : efficacité de l’iridectomie périphérique
D’après l’intervention du Pr Florent Aptel (Grenoble)
L’association d’un angle iridocornéen étroit, d’une hypertonie oculaire et d’une neuropathie glaucomateuse définit le glaucome primitif par fermeture de l’angle.
Le principe de la prise en charge est de lever le blocage pupillaire et de rétablir la circulation de l’humeur aqueuse en réalisant une iridectomie périphérique (IP). Dans deux tiers des cas, celle-ci rouvre l’angle iridocornéen. Après une IP, la PIO est diminuée dans la majorité des cas, mais pas suffisamment s’il existait une neuropathie glaucomateuse préalable.
En l’absence de glaucome préalable, il n’y aura pas d’évolution après la réalisation de l’IP. Et s’il existait une neuropathie glaucomateuse préalable, l’IP seule ne suffira pas. Pour compléter son effet, il faudra réaliser une chirurgie filtrante dans 25% des cas en cas de fermeture chronique, et dans 40% en cas de fermeture aiguë.
Si la PIO est toujours insuffisamment contrôlée malgré l’IP, nous pouvons utiliser des traitements médicaux.
Glaucome par fermeture de l’angle : le versant chirurgical
D’après l’intervention du Dr Jean-François Rouland (Lille)
Après une chirurgie de la cataracte, la taille de l’angle iridocornéen va être multipliée par 3. La phakoémulsification permet une réouverture de l’angle et une diminution de la PIO dans les glaucomes primitifs par fermeture d’angle.
Selon des études de 2016, la phakoémulsification et l’IP entraînent une baisse quasi équivalente de la PIO.
Une meilleure qualité de vie et le nombre de thérapeutiques font pencher la balance en faveur de la chirurgie de la cataracte. On retrouve moins de complications chez les patients ayant bénéficié de la phakoémulsification. Il est donc plus utile et plus efficace de traiter les patients par phakoémulsification que par iridectomie seule.
Glaucome à pression normale
D’après l’intervention du Pr Éric Sellem (Lyon)
Les caractéristiques du glaucome à pression normale sont :
- la présence d’hémorragies péripapillaires (risque de progression) ;
- la présence de déficits périmétriques plus modestes que ne le laisserait supposer l’atteinte de la structure ;
- des scotomes paracentraux ;
- une PIO dans les limites de la normale.
Il est important de rechercher et de traiter les facteurs de risque cardiovasculaires (hypertension artérielle) et un syndrome d’apnée du sommeil, car il existe une relation de cause à effet.
La décision de traiter la PIO dans le glaucome à pression normale mérite l’expectative. Il faut avoir une progression documentée, donc refaire un bilan de la structure (rétinophotos, OCT) et de la fonction (champ visuel) au bout de 3 à 4 mois, puis tous les 6 mois. En cas de progression, il faut abaisser la pression intraoculaire.
Glaucome à pression normale
D’après l’intervention du Pr Philippe Denis (Lyon)
Au moment du diagnostic, on traite la PIO si le rythme de progression est inconnu, si la pression est limite et si le déficit campimétrique est sévère. Il faut faire baisser la pression de 25 à 30%.
Lors du suivi, il faut suivre la progression en définissant une PIO cible selon la PIO moyenne, l’espérance de vie, l’importance de l’atteinte, le rythme de progression et le degré de l’acceptation. Il faut aussi évaluer le rôle de la cataracte et de la DMLA. En l’absence de progression, il faudra évaluer le rapport bénéfice/ risque du traitement, alléger ce dernier au besoin, et remettre en cause le diagnostic de glaucome à pression normale.