Glaucome : actualités diagnostiques et nouveautés thérapeutiques en 2022
Symposium Horus Pharma

Diagnostiquer un glaucome repose sur un faisceau d’arguments structurels et fonctionnels. Une fois le traitement hypotonisant introduit, une estimation de la progression de la neuropathie glaucomateuse du patient est nécessaire afin d’évaluer l’efficacité de la thérapeutique instaurée. Les communications de Jean-Paul Renard, Antoine Labbé, Jean-François Rouland nous détaillent les outils pour diagnostiquer et suivre un patient glaucomateux afin d’éviter toute progression de sa maladie. Les nouveautés en imagerie des angles fermés sont présentées par Cédric Schweitzer.
Quel bilan initial de dépistage ?
D’après la communication de Jean-Paul Renard
La détection de la neuropathie optique glaucomateuse repose sur un interrogatoire et une évaluation clinique et paraclinique. La première étape est de rechercher des facteurs de risque de glaucome avant d’évaluer l’acuité visuelle et le segment antérieur afin d’éliminer des formes secondaires de glaucome. Il faudra rechercher lors de l’examen biomicroscopique du matériel exfoliatif, un faisceau de Krukenberg ou un syndrome iridocornéen, et évaluer le Van Herrick, l’iris et le cristallin. Un examen par gonioscopie est indispensable pour estimer l’angle iridocornéen. La mesure de la pression intraoculaire (PIO), facteur de risque essentiel de glaucome, doit être confirmée à l’aplanation de Goldmann et interprétée selon la pachymétrie.
L’examen clinique de la tête du nerf optique et des fibres nerveuses rétiniennes est à compléter par l’analyse en tomographie par cohérence optique (OCT) des fibres nerveuses et du complexe maculaire cellulaire ganglionnaire. Il reste à interpréter le champ visuel Humphrey 24.2 ou 30.2. Un champ visuel normal ne peut exclure un glaucome. En revanche, des erreurs lors d’un premier examen doivent être interprétées en tenant compte de la courbe d’apprentissage.
Le diagnostic de glaucome est établi sur un faisceau d’arguments à l’issue de la synthèse des données cliniques et paracliniques. Il n’existe pas d’examen unique et certain pour le diagnostic de cette neuropathie.
Quel bilan pour le suivi ?
D’après la communication d’Antoine Labbé
Le suivi du patient glaucomateux consiste à estimer la tolérance et l’efficacité du traitement.
Évaluer la progression de la neuropathie et sa vitesse est le défi quotidien du glaucomatologue. La fonction est analysée avec le champ visuel, la structure à l’examen clinique et sur l’OCT. Le champ visuel blanc-blanc en technique standard reste l’examen indispensable. On peut faire une analyse en événements pour comparer l’examen du jour avec un examen de référence, ou une analyse de tendance pour repérer un rythme de progression dans le temps. Il faut adapter la fréquence du suivi en fonction de la gravité de la maladie glaucomateuse. L’OCT peut aider pour l’évaluation de la progression mais il n’est pas corrigé selon l’âge et n’est pas corrélé linéairement avec le champ visuel. Une publication suédoise récente de l’équipe de Heijl comparant la perte en fibres en OCT sur 10 ans entre des sujets normaux et des sujets glaucomateux ne retrouve pas de différence entre ces 2 groupes. Il faut donc toujours regarder le champ visuel avant d’adapter un traitement devant une progression sur l’OCT.
Comment déterminer une pression intraoculaire cible ?
D’après la communication de Jean-François Rouland
Le traitement du glaucome consiste à réduire la PIO en dessous d’une cible qu’on détermine et réévalue pour chaque patient. La PIO cible est l’objectif à atteindre pour arrêter la progression de la neuropathie glaucomateuse en champ visuel.
D’après la cinquième édition des recommandations européennes (EGS [European Glaucoma Society]), la PIO cible se détermine après la réalisation d’au moins 6 champs visuels en 2 ans. La sévérité initiale du glaucome, le stade actuel, le taux de progression, l’espérance de vie du patient et les facteurs de risque associés sont aussi à prendre en compte. D’après les grandes études sur le glaucome (OHTS, CNTGS, CIGTS…), une baisse initiale entre 20 et 30% de la PIO va nous permettre d’espérer atteindre la PIO cible. Il faudra ensuite l’adapter à chaque consultation en fonction des champs visuels et du patient.
Quelle imagerie du segment antérieur dans les angles fermés ?
D’après la communication de Cédric Schweitzer
Le premier risque de l’angle étroit est la crise aiguë par fermeture de l’angle (2 à 7 cas sur 100 000 en Europe ; 7 à 15 en Asie). Le second risque est l’évolution vers le glaucome chronique lorsqu’il existe des synéchies sur plus de 180°. L’imagerie nous permet de déterminer le mécanisme de fermeture de l’angle en cause. Le bloc pupillaire est le mécanisme le plus fréquemment à l’origine du contact iridotrabéculaire, le cristallin est souvent impliqué par augmentation de son volume avec l’âge. L’examen de référence est alors l’OCT de segment antérieur Swept Source (SS-OCT) avec des outils de mesure de l’angle iridocornéen et de la flèche cristallinienne. Les mécanismes d’iris plateau par blocage trabéculaire pur ont pour imagerie de référence l’échographie UBM (Ultrasound BioMicroscopy) visualisant le corps ciliaire et l’espace suprachoroïdien. Des photographies de l’angle en gonioscopie sur 360° peuvent aussi fournir une analyse qualitative (pigmentation, synéchies, insertion irienne). De nouveaux indicateurs quantitatifs en SS-OCT se développent, comme l’index ITC évaluant les niveaux de contact iridotrabéculaires sur 360°. Des algorithmes de détection automatisée d’angle étroit par intelligence artificielle apparaissent. Pour le moment, aucune imagerie ne remplace une gonioscopie pour l’évaluation de l’angle.
Les laboratoires développent continuellement de nouvelles formulations de collyre afin d’améliorer l’observance et la tolérance. Les orateurs Christophe Baudouin, Antoine Rousseau, Florent Aptel, Cédric Lamirel et Nathalie Collignon nous ont exposé les dernières nouveautés thérapeutiques dans le glaucome.
« BAK or not BAK » : intérêt pour l’efficacité ?
D’après la communication de Christophe Baudouin
Le chlorure de benzalkonium (BAK) est un conservateur présent dans les flacons de collyres hypotonisants pour éviter sa contamination. Mais le BAK est aussi un détergent toxique provoquant des altérations de la surface oculaire. L’utilisation de ce conservateur a parfois été justifiée par une possible capacité à augmenter l’efficacité du produit malgré des études identifiant une corrélation entre l’atteinte de la surface oculaire et la présence d’un conservateur. « BAK is BAD but STRONG ». Le lien entre les altérations cornéennes, la pénétrance du médicament et son impact sur l’efficacité du traitement a été recherché. Une mesure de la concentration du latanoprost avec et sans conservateur en chambre antérieure n’a pas montré de différence. L’effet du latanoprost sans conservateur est aussi maintenu. Des prodrogues facilitant la pénétration oculaire des collyres ont aussi été développées. Finalement, une certitude : il n’y a pas besoin d’altérer la surface pour améliorer l’efficacité du principe actif.
Princeps, génériques, hybrides : quelles différences ?
D’après la communication d’Antoine Rousseau
Le médicament princeps est le médicament d’origine, à partir duquel sont élaborés les génériques. Il contient un principe actif et des excipients. Les excipients sont des molécules n’ayant pas d’effets thérapeutiques recherchés mais exerçant un rôle dans la solubilité, la stabilité, la tolérance et les interactions avec le contenant. Certains excipients sont identifiés comme étant à effet notoire devant un risque accru de provoquer une intolérance chez des patients sensibles.
Les génériques ont été créés pour élargir l’accès aux soins en diminuant les dépenses de santé. Selon la plateforme Ameli, les génériques ont fait économiser 1,6 milliard d’euros à la Sécurité sociale en France en 2018. Le cahier des charges d’un générique est d’obtenir une bioéquivalence in vivo et in vitro. Les génériques des collyres antiglaucomateux sont tous conservés, bien que les conservateurs ne soient pas indispensables à la pharmacocinétique et la biodisponibilité. Ils peuvent en plus provoquer des problèmes de tolérance et de manipulation. L’atteinte de la surface oculaire liée au traitement du glaucome diminue l’observance et la qualité de vie et engendre un recours plus rapide à la chirurgie filtrante, plus difficile à réaliser sur une surface altérée.
Les collyres « hybrides » ont pour objectif d’améliorer la formulation des princeps en retirant principalement les conservateurs sans perdre en efficacité. Ils ont le même principe actif mais répondent à un objectif complémentaire comme une nouvelle formulation, une nouvelle voie d’administration ou une meilleure tolérance. Le pharmacien peut remplacer le princeps par un générique mais ne peut pas substituer les collyres hybrides.
Quelles nouveautés thérapeutiques médicales ?
D’après la communication de Florent Aptel et Cédric Lamirel
Actuellement, 4 classes thérapeutiques sont utilisées en France dans le glaucome. De nombreuses études explorent de nouvelles voies d’action.
Les inhibiteurs des rho-kinases augmentent la perméabilité du trabéculum à l’humeur aqueuse en diminuant la contractilité du cytosquelette des cellules trabéculaires. Les résultats du collyre au netasurdil sont néanmoins décevants, avec une efficacité voisine, voire inférieure à celle des prostaglandines et avec des effets secondaires d’hyperhémie et d’hémorragie conjonctivale par modification de la paroi vasculaire. Toutefois, une combinaison entre une prostaglandine et un inhibiteur des rho-kinases permet d’augmenter significativement l’efficacité sur la PIO mais avec une hyperhémie conjonctivale inévitable.
Des prostaglandines modifiées chimiquement délivrant de l’oxyde nitrique permettent d’augmenter la perméabilité du trabéculum en relâchant son cytosquelette tout en conservant son effet sur l’évacuation uvéosclérale. Ce traitement augmente la baisse de la PIO tout en conservant un bon profil de tolérance. Néanmoins son prix est très élevé et il n’est disponible qu’en Amérique du Nord.
L’amélioration des collyres existants avec le développement de nouvelles formulations sont une autre voie intéressante. Les collyres hybrides correspondent à cette nouvelle catégorie. Le laboratoire Horus Pharma a mis sur le marché en 2022 le Xiop®, un latanoprost 50 µg/mL en unidose sans conservateur. La bioéquivalence avec le Xalatan® (produit princeps conservé) et le Xiop® a été démontrée par différentes études précliniques. Les études chez l’animal ont une fois de plus montré que le BAK ne jouait pas de rôle dans la pénétration du principe actif, puisque les mêmes concentrations en latanoprost acide ont été retrouvées dans l’humeur aqueuse et dans les corps ciliaires pour les 2 produits testés. D’autres tests de perméation cornéenne in vitro plus « éthiques » présentent les mêmes résultats, avec une pénétration du Xiop® à travers l’épithélium cornéen superposable à celle du Xalatan® malgré l’absence de conservateurs dans le Xiop®.
Nouveautés dans la vie réelle : retour d’expérience
D’après la communication de Nathalie Collignon
Le Pr Collignon, ophtalmologiste en Belgique, dirige actuellement une étude rétrospective, multicentrique, observationnelle sur l’efficacité, la sécurité et la tolérance oculaire du Xiop® chez des patients atteints d’un GPAO ou d’une HTO, naïfs de traitement ou traités en monothérapie par des prostaglandines.
Les résultats seront présentés lors de prochains congrès mais les premiers retours cliniques des patients traités par Xiop® sont très encourageants. Le Xiop® est une prostaglandine 2.0 aussi efficace sur la PIO mais beaucoup plus respectueuse de la surface oculaire.