Gestion de l’œdème maculaire diabétique pendant la pandémie de Covid-19

La récente pandémie liée au coronavirus Covid-19 a bouleversé les pratiques en ophtalmologie et la gestion des pathologies oculaires. Le confinement institué par les autorités, associé à la crainte légitime des patients de se rendre dans les structures de soins, a fragilisé dans de nombreux cas la rigueur nécessaire au suivi et au traitement des affections rétiniennes exsudatives telles que la DMLA et la maculopathie diabétique œdémateuse. Pourtant, certaines stratégies thérapeutiques pragmatiques ont permis de diminuer le nombre de visites et d’optimiser la prise en charge dans ce contexte si particulier.

Cas clinique

Nous rapportons ici le cas d’une patiente diabétique présentant un œdème maculaire (OM) traité par implant de dexaméthasone et son évolution pendant la période de pandémie. Nous discuterons ensuite des avantages et des inconvénients de ce traitement, remis dans son contexte pandémique. Enfin, nous évoquerons certains biomarqueurs dont la présence pourrait être prédictive d’une bonne réponse thérapeutique à la dexaméthasone.
Une femme de 61 ans, phake, diabétique depuis une dizaine d’années avec une hémoglobine glycquée à 7,3%, est suivie pour un OM diabétique droit. Elle a déjà bénéficié de 5 injections mensuelles d’anti-VEGF, avec un gain visuel modeste de 4 lettres et son œdème s’est amélioré mais quelques logettes persistent. Son rendez-vous de contrôle était prévu mi-mars 2020, mais en raison de la situation sanitaire internationale, elle a préféré l’annuler. Toutefois, ressentant une dégradation visuelle, elle décide fin mars 2020 de consulter. L’acuité visuelle (AV) est alors de 20/40. L’OCT montre un important OM (figures 1 et 2).
Il est alors décidé de switcher vers un implant de dexaméthasone, afin de diminuer le nombre de visites de contrôle et d’injections nécessaires. La patiente est revue 2 mois plus tard, fin mai. Le gain d’AV est de 9 lettres et l’OCT est satisfaisant (figure 3). La tension oculaire s’élève à 18 mmHg. Un nouveau contrôle est programmé 8 semaines plus tard, qui retrouve à nouveau une dégradation fonctionnelle et une récidive œdémateuse (figure 4). Une nouvelle injection d’implant de dexaméthasone est réalisée avec un contrôle prévu 2 mois plus tard.

Discussion

Dans ce cas clinique, le choix d’un traitement par implant de dexaméthasone a été proposé en raison des propriétés pharmacologiques de la molécule, dans l’espoir d’une durée d’action plus longue. Cette stratégie pragmatique permettrait de diminuer le nombre de visites et d’injections, et ainsi de réduire le risque théorique de contamination virale par diminution de l’exposition et du contact avec d’autres patients, sachant que les diabétiques ont tendance à développer des formes plus graves de la maladie.
Dans ce cas présent, la réponse thérapeutique a été satisfaisante sur les plans fonctionnel, anatomique et de la tolérance. Une interrogation légitime est la place des corticoïdes et de leur action immunosuppressive en période pandémique. Il n’est pas impossible qu’un traitement cortisonique intravitréen favorise le développement de formes oculaires dans le cas d’une infection par le coronavirus, bien que cela n’ait jamais été décrit dans la littérature. La prudence doit être naturellement de mise et un traitement intravitréen ne devrait pas, en règle générale, être envisagé en cas de suspicion d’une infection virale oculaire active.
Une autre problématique rencontrée dans ce cas est celle de la prise de tension oculaire en période de Covid. Le contrôle tensionnel est un élément important de la surveillance du traitement par dexaméthasone. Cependant, certains auteurs ont souligné le fait que la tonométrie à air serait une voie possible de contamination. La tonométrie à l’aplanation nécessite quant à elle des manipulations oculaires qui pourraient également être source d’infection.

Dexaméthasone et biomarqueurs anatomiques

Lorsqu’on analyse l’OCT initial de notre patiente, on constate la présence de certains éléments anatomiques spécifiques, parmi lesquels des points hyperréflectifs (ou Hyper Reflective Foci) et un décollement séreux rétinien (figure 5).

Il existe une controverse sur la nature des points hyperréflectifs. Ce sont des lésions de petite taille, punctiformes, qui peuvent prédominer dans la rétine interne. Certains auteurs considèrent qu’il s’agit de cellules inflammatoires, et notamment de la microglie activée [1], alors que pour d’autres, ce ne sont que des exsudats ou des débris de photorécepteurs et de cellules de l’épithélium pigmentaire. Certaines études ont suggéré que la présence de PHR était associée à une meilleure réponse au traitement avec l’implant de dexaméthasone [2,3].
Concernant les décollements séreux, l’étude de Bonfiglio et al. a retrouvé une meilleure réponse de l’OM par la dexaméthasone en présence de points hyperréflectifs et/ou d’un décollement séreux par rapport aux patients ne présentant pas ces caractéristiques [4].
Tous ces éléments pourraient être en faveur d’une origine inflammatoire et expliqueraient la meilleure réponse à la dexaméthasone dans certaines études. Il n’existe cependant pas d’essai randomisé contrôlé sur ce sujet.

Auteurs

  • Oudy Semoun

    Ophtalmologiste

    Centre hospitalier intercommunal, Créteil ; Institut d'ophtalmologie du Panthéon, Paris

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