Formation chirurgicale en France : l’avis des internes en ophtalmologie
L’apprentissage chirurgical constitue le point d’orgue de la formation en ophtalmologie, du fait du caractère médico-chirurgical de la spécialité. Les compétences acquises par les internes au décours de leur internat ont été largement décrites, en revanche leur ressenti quant à leur formation n’est que peu, voire pas connu. Les internes ont-ils la même perception de leur formation partout en France ? Pour répondre, nous avons adressé un questionnaire aux internes d’ophtalmologie de toute la France.
L’ophtalmologie est une spécialité médico-chirurgicale. La formation chirurgicale s’acquiert durant le Diplôme d’études spécialisées (DES) d’ophtalmologie dans l’une des 27 interrégions françaises. La formation initiale s’articule autour de 2 axes : la simulation au cours de travaux pratiques (TP) et le compagnonnage sur patient réel. Les ophtalmologistes sont généralement satisfaits de leur formation initiale. On connaît leurs compétences chirurgicales pures acquises au cours de celle-ci [1].
Des études récentes plébiscitent un accès aux simulateurs, en simulateur chirurgical de réalité virtuelle (Drylab) comme sur œil animal, synthétique ou sur kit d’apprentissage (Wetlab), tandis que la performance initiale en Drylab semble corrélée à celle sur patient réel plus tard [2].
Méthode
Un formulaire comprenant 27 questions a été élaboré, avec des questions à choix simple ou multiple, ainsi qu’une réponse ouverte.
Les internes du DES français d’ophtalmologie allant du premier semestre (phase socle) jusqu’au douzième semestre de phase de consolidation (Docteur Junior 2) ont été sollicités par mail et sur les réseaux sociaux dans les 27 subdivisions de France.
Résultats
Les commentaires libres des internes rapportaient une impression d’accès trop limité à la chirurgie de surspécialité (cornéenne, filtrante, vitréo-rétinienne notamment). Certains déploraient la variabilité de l’accès à la chirurgie entre les centres hospitaliers généraux (CHG) et les centres hospitaliers-universitaires (CHU). D’autres avaient constaté une meilleure accessibilité à la chirurgie sur patient réel dans des structures privées. Ceux qui n’en disposaient pas réclamaient un accès à la simulation dans leur interrégion, avec une demande récurrente de transition progressive de la simulation à la chirurgie sur patient réel.
Les contributeurs aux commentaires proposaient enfin certaines voies d’amélioration pour leur formation, telles qu’un accès majoré au bloc opératoire et plus de pratique sur patient réel. Ils plébiscitaient l’encadrement direct d’un chirurgien senior pour apprendre à opérer par étapes progressives. Ils souhaitaient travailler sur des objectifs chirurgicaux standardisés afin d’homogénéiser l’enseignement chirurgical au niveau national. Ils préconisaient que la pédagogie des centres de stage soit évaluée pour la chirurgie aussi. Ils semblent apprécier particulièrement les cours vidéo théoriques élaborés par des chirurgiens experts.
Conclusion
Ces résultats émanent d’un grand nombre d’internes, et un tiers de répondants représente une proportion honorable dans ce type de sondage. Ces réponses reflètent donc probablement l’opinion générale des internes en ophtalmologie de manière assez fiable.
La satisfaction des internes vis-à-vis de leur formation chirurgicale globale est majoritairement positive. On constate qu’elle diffère significativement entre l’Île-de-France et d’autres régions. On en imagine les causes très hétérogènes en l’absence de formation nationale standardisée. On observe notamment l’absence d’objectifs chirurgicaux formels et homogènes. Cette absence de standard au niveau national a déjà été décrite par des études internationales [3]. Qu’elle soit envisageable ou pas avec des objectifs chirurgicaux communs, la standardisation pédagogique est logiquement demandée par les étudiants.
Les internes plébiscitent, voire réclament la pédagogie par simulation, avec une transition progressive et accompagnée vers la chirurgie sur patient réel. Ils ne semblent pas hostiles à ce qu’un permis valide des compétences chirurgicales minimales pour opérer, ce qui leur conférerait une certaine légitimité à prétendre opérer auprès des chirurgiens seniors.
Références bibliographiques
[1] Martin G, Chapron T, Bremond-Gignac D et al. Formation chirurgicale en ophtalmologie en Île-de-France : résultats d’une enquête sur 89 internes. J Fr Ophtalmol. 2022;45(8):883-93.
[2] Binenbaum G, Volpe NJ. Ophthalmology resident surgical competency: a national survey. Ophthalmology. 2006;113(7):1237-44.
[3] Gogate P, Biswas P, Natarajan S et al. Residency evaluation and adherence design study: Young ophthalmologists’ perception of their residency programs - Clinical and surgical skills. Indian J Ophthalmol. 2017;65(6):452-60.