Facteurs de risque de la choriorétinopathie séreuse centrale

La choriorétinopathie séreuse centrale (CRSC) est la quatrième maladie rétinienne non chirurgicale en termes de fréquence, après la dégénérescence maculaire liée à l’âge, la rétinopathie diabétique et l’occlusion veineuse rétinienne. Elle survient généralement chez des adultes jeunes ou des sujets d’âge moyen et atteint plus fréquemment les hommes que les femmes, bien que la prédominance masculine diminue avec l’âge. La forme chronique a un pronostic visuel plus réservé que la CRSC aiguë, et atteint typiquement des sujets plus âgés.

La CRSC est caractérisée par un décollement séreux rétinien (DSR) localisé et limité de la rétine neurosensorielle, souvent accompagné de décollements de l’épithélium pigmentaire séreux hyporéflectifs. Elle peut parfois être associée à une hyperperméabilité des vaisseaux choroïdiens ainsi qu’à un épaississement choroïdien. Elle appartient au spectre des pathologies associées à la pachychoroïde. Une augmentation de l’épaisseur choroïdienne est retrouvée dans les yeux atteints de CRSC, ainsi que dans les yeux adelphes de CRSC unilatérale. On distingue classiquement une forme aiguë (avec poussée unique ou récidivante) et une forme chronique, pour laquelle la durée d’évolution est supérieure à 4 à 6 mois, avec souvent des altérations de l’épithélium pigmentaire rétinien multifocales.
De nombreux facteurs prédisposants ou facteurs de risque ont été retrouvés dans la littérature : exposition aux glucocorticoïdes (endogènes ou exogènes), stress psychologique, dépression, personnalité de type A, pathologies coronariennes, hypertension artérielle, terrain allergique, troubles du sommeil, travail en horaires décalés, possibles facteurs de prédisposition génétiques [1].

Le travail en horaires décalés

Le travail en horaires décalés correspond au travail en dehors des heures habituelles de la lumière du jour (7 h 00 à 18/19 h 00). Dans les pays industrialisés, 15 à 20% de la population est amenée à effectuer régulièrement ce type de travail. Le travail de nuit aboutit à un dérèglement du rythme circadien et modifie les rythmes de sommeil. Il est associé à un risque augmenté d’obésité, de diabète, de maladies cardiovasculaires, de dépression et de cancer. Entre 10 et 30% des travailleurs en horaires décalés rapportent une somnolence excessive et/ou des insomnies [2]. Des troubles du sommeil (privation ou perturbations) chroniques ont été associés à une activité basale augmentée de l’axe hypothalamo-hypophyso-surrénalien et du système sympathique, caractérisée par un trouble de la sécrétion du cortisol et des catécholamines, et également à une altération de la réactivité au stress [3]. Bousquet et al. ont retrouvé comme facteurs de risque de CRSC en analyse multivariée le travail en horaires décalés (p = 0,02 ; OR = 5 [1,2 - 20,4]), l’usage de corticoïdes (p = 0,03 ; OR = 5,5 [1,1 - 26,2]) et un stress psychologique récent (p < 0,001 ; OR = 15,3 [4,1 - 54,5]) [4]. 42,5% des patients avec une CRSC aiguë ou chronique avaient un antécédent actuel ou passé de travail en horaires décalés vs 15% des témoins. Les troubles du sommeil étaient également plus fréquents chez les patients atteints d’une CRSC (57,5%) que chez les témoins (15%, p < 0,001). Leur prévalence était plus élevée chez les patients atteints d’une CRSC chronique que chez ceux avec une forme aiguë. Les travailleurs en horaires décalés présentaient plus fréquemment des troubles du sommeil que les travailleurs en journée (p < 0,001). Matet et al. ont trouvé comme facteurs de risque indépendants de récurrences d’une CRSC aiguë en analyse multivariée une épaisseur choroïdienne rétrofovéolaire augmentée (p = 0,007), une diffusion de fluorescéine au niveau du point de fuite faible ou absente (p = 0,003) et le travail en horaires décalés (p < 0,0001) [5]. Ce dernier pourrait avoir un impact sur l’évolution et la sévérité de la CRSC. Le cortisol a un rythme nycthéméral avec un pic de concentration en début de matinée et un niveau le plus bas en fin de soirée et pendant la nuit. Les concentrations plasmatiques d’adrénaline et de noradrénaline ont également un rythme circadien, avec un niveau maximal en milieu de journée et un nadir durant la nuit. Les rythmes de sécrétion à la fois du cortisol et des catécholamines pourraient être dérégulés chez les travailleurs en horaires décalés, et ainsi contribuer à la physiopathologie de la CRSC.

Cas clinique

Un homme de 44 ans, ayant pour seul antécédent une amblyopie de l’œil gauche, présente une baisse d’acuité visuelle de l’œil droit depuis 3 mois. Il cumule plusieurs facteurs de risque de CRSC : stress, troubles du sommeil (insomnies) et travaille fréquemment en horaires décalés (17 à 22 h) et parfois de nuit. L’acuité visuelle est à 10/10 à l’œil droit et 5/10 à l’œil gauche. La tension oculaire est à 15 et 16 mmHg. Le fond d’œil objective une petite bulle de DSR maculaire à l’œil droit (figure 1), sans altération de l’épithélium pigmentaire, et il est normal à gauche. L’autofluorescence retrouve des zones d’hyper-autofluorescence réticulées de l’œil droit, sans atrophie ni coulée gravitationnelle, et elle est normale à gauche. L’OCT maculaire en mode Enhanced-Depth Imaging (EDI) montre une pachychoroïde bilatérale, plus importante du côté droit : épaisseur choroïdienne rétrofovéolaire de 579 µm vs 413 µm à gauche (figure 2). Un DSR rétrofovéolaire peu important est présent du côté droit, associé à un allongement des articles externes des photorécepteurs. L’OCT-A ne retrouve pas de flux sanguin au niveau du petit décollement pigmentaire de l’œil droit. Au total, le patient présente une première poussée aiguë de CRSC de l’œil droit, en cours de résolution.

Références bibliographiques
[1] Liu B, Deng T, Zhang J. Risk factors for central serous chorioretinopathy: a systematic review and meta-analysis. Retina. 2016;36 (1):9-19.
[2] Gumenyuk V, Roth T, Drake CL. Circadian phase, sleepiness, and light exposure assessment in night workers with and without shift work disorder. Chronobiol Int. 2012;29(7): 928-36.
[3] Meerlo P, Sgoifo A, Suchecki D. Restricted and disrupted sleep: effects on autonomic function, neuroendocrine stress systems and stress responsivity. Sleep Med Rev. 2008;12(3):197-210.
[4] Bousquet E, Dhundass M, Lehmann M et al. Shift work: a risk factor for central serous chorioretinopathy. Am J Ophthalmol. 2016;165:23-8.
[5] Matet A, Daruich A, Zola M, Behar-Cohen F. Risk factors for recurrences of central serous chorioretinopathy. Retina. 2018;38(7): 1403-14.

Auteurs

  • Pauline Eymard

    Assistante spécialiste en segment postérieur

    Ophtalmopôle hôpital Cochin, Paris

Les derniers articles sur ce thème

L'accès à la totalité de la page est protégé.

Je m'abonne

Identifiez-vous