Echos SFO. Avancées en imagerie

La 128e édition du congrès de la SFO a donné lieu à de nombreuses présentations concernant les avancées en imagerie dans notre spécialité. Ces avancées et la maîtrise des technologies existantes, en particulier de l’OCT, permettent d’affiner la sémiologie, d’étayer les mécanismes physiopathologiques, d’optimiser les dépistages. Nous vous proposons un compte rendu des informations marquantes exposées cette année.
OCT/autofluorescence et DMLA atrophique
D’après l’intervention du Dr Maté Streho
Selon la Classification of Atrophy Meeting (CAM), conférence de consensus sur l’atrophie maculaire, le diagnostic des DMLA atrophiques repose sur une imagerie multimodale comportant OCT, rétinographie, clichés en autofluorescence et en infrarouge. L’OCT est cependant préféré par la CAM pour le diagnostic, par la mise en évidence de zones d’hypertransmission correspondant à des lésions atrophiques de l’épithélium pigmentaire (RPE) et de la rétine externe (RORA : RPE et Outer Retinal Atrophy), complète (cRORA) ou incomplète (iRORA). Ces lésions sont utilisées comme critère de jugement dans les futurs essais thérapeutiques évaluant des molécules visant à réduire la vitesse de progression de l’atrophie [1]. Cette standardisation permet de suivre la progression des formes atrophiques de la DMLA, que ce soit de l’iRORA vers la cRORA ou même des formes non atrophiques drusénoïdes vers une RORA. Actuellement, les clichés en autofluorescence sont utilisés dans les essais thérapeutiques [1-3] afin de quantifier l’expansion des zones atrophiques au cours du temps, notamment via des modules de suivi semi-automatiques (Region Finder®…). La CAM recommande donc l’usage de l’OCT et de l’autofluorescence dans le diagnostic et le suivi des DMLA atrophiques, tant pour la standardisation des critères de jugement des essais que pour la pratique clinique.
OCT-angiographie et diabète
D’après l’intervention du Dr Sophie Bonnin
Dès l’apparition des premiers OCT-A, les études menées chez des patients diabétiques retrouvaient une bonne corrélation entre la densité capillaire maculaire et la sévérité de la rétinopathie [4], le but étant de détecter précocement les zones ischémiques. Malheureusement, cette mesure de la densité microvasculaire est peu reproductible en raison d’artefacts ou d’erreurs de segmentation, souvent aggravés par la présence d’un œdème maculaire. De plus, les densités sont peu comparables selon les techniques de binarisation des images et l’appareil à disposition. De fait, les valeurs fluctuent en fonction du constructeur, ce qui limite les analyses multicentriques dont les centres sont équipés différemment. Un travail récemment publié pourrait faire consensus concernant l’identification de lésions ischémiques rétiniennes, applicable à tous les appareils et donc aux études à venir. En effet, une réduction de 30% du flux capillaire de la surface totale de l’image correspondrait à une modification significative du signal de flux et constituerait un critère standardisé d’ischémie [5].
L’OCT-A permet aussi de distinguer les AMIRs d’aspect parfois douteux à l’examen du fond d’œil, y compris sur des clichés de 15 x 15 mm. Cela pose donc la question de l’utilisation des l’OCT-A grand champ dans le suivi des formes modérées de rétinopathies diabétiques.
Cependant, une étude réalisée à Lariboisière par le Dr Hugo Le Boité a montré que sur des patients atteints d’une rétinopathie diabétique proliférante, environ 17% n’avaient pas de prolifération visible en imagerie OCT-A par reconstitutions de 5 images en 12 x 12 mm.
En conclusion, l’OCT-A doit rester une aide dans le suivi des rétinopathies diabétiques afin d’affiner la stadification dans des formes frontières, mais ne peut se substituer à l’examen clinique du fond d’œil et à l’angiographie.
OCT-SA et trabéculum
D’après l’intervention du Dr Léo Olory-Garnotel
L’imagerie du segment antérieur par OCT-SA ou UBM dans la prise en charge du glaucome permet principalement d’apprécier l’angle iridocornéen (AIC), la morphologie de l’iris, la pachymétrie et l’inculpation du cristallin dans une éventuelle fermeture de l’AIC. L’OCT permettant une analyse quasi histologique des structures de l’angle, le Dr Olory-Garnotel a comparé transversalement sur 86 patients (154 yeux, 616 images) l’aspect du trabéculum chez des sujets sains et d’autres atteints d’un glaucome primitif à angle ouvert (GPAO) débutant. On retrouve une diminution d’aire du trabéculum avec une hyperréflectivité globale statistiquement significative, mais le critère le plus probant est la diminution de son épaisseur. L’explication physiopathologique à l’origine de ces signes serait l’accumulation de dépôts de protéines dans la matrice extracellulaire du trabéculum, avec une diminution de sa cellularité entraînant une fusion des lamelles trabéculaires entre elles et un amenuisement de sa surface de filtration [6]. Cette étude soulève la question de la place de l’imagerie trabéculaire par OCT-SA dans le dépistage du GPAO. Des études prospectives, avec des méthodes standardisées d’acquisition d’images, sur des populations à risque doivent être menées pour observer l’apparition ou non d’un GPAO chez les patients présentant des remaniements morphologiques trabéculaires. La morphologie trabéculaire constituerait alors un critère objectif et quantitatif permettant l’anticipation du diagnostic et de la prise en charge de patients atteints d’un GPAO.
SS-OCT-A et stries angioïdes
D’après l’intervention du Dr Hoang Mai Le
Les stries angioïdes sont souvent retrouvées dans des pathologies systémiques telles que les pseudoxanthomes élastiques, les syndromes de Marfan ou Ehler-Danlos et bien d’autres. Elles correspondent à des ruptures localisées de la membrane de Bruch, causées par une anomalie des fibres élastiques qui s’épaississent et se calcifient. Il s’ensuit histologiquement une atrophie de l’épithélium pigmentaire et des photorécepteurs, avec potentiellement l’apparition de néovaisseaux choroïdiens. Le Dr Hoang Mai Le a donc étudié quantitativement la perfusion choriocapillaire en OCT-A chez des patients atteints de stries angioïdes (avec ou sans néovascularisation) vs un groupe contrôle [7]. L’acquisition en Swept Source OCT-A se fait avec des images 6 x 6 structurelles et de flux, compensées et binarisées. L’analyse se penche sur les 1 x 1 mm périphériques du cadre (6 x 6 mm) centré sur la macula : zones périphériques, équidistantes et à distance de la zone de néovascularisation quand celle-ci est présente. On constate que la perfusion choriocapillaire est globalement diminuée de façon significative dans le groupe des cas par rapport au groupe contrôle. Cette analyse concorde avec les observations connues d’atrophie choroïdienne retrouvée en histologie et pourrait expliquer le développement de néovaisseaux choroïdiens par des mécanismes ischémiques mettant en jeu le VEGF chez les patients atteints de stries angioïdes.
Références bibliographiques
[1] Zimura in subjects with geographic atrophy secondary to dry age-related macular degeneration. ClinicalTrials.gov Identifier: NCT02686658.
[2] Grossi F. Study of pegcetacoplan (APL-2) therapy in patients with geographic atrophy (FILLY). ClinicalTrials.gov Identifier: NCT02503332.
[3] A study to compare the efficacy and safety of intravitreal APL-2 therapy with sham injections in patients with geographic atrophy (GA) secondary to age-related macular degeneration, ClinicalTrials.gov Identifier: NCT03525613.
[4] Nesper PL, Roberts PK, Onishi AC et al. Quantifying microvascular abnormalities with increasing severity of diabetic retinopathy using optical coherence tomography angiography. Invest Ophthal- mol Vis Sci. 2017;58(6):BIO307-BIO315.
[5] Munk MR, Kashani AH, Tadayoni R et al. Recommendations for OCT angiography reporting in retinal vascular disease: a delphi approach by international experts. Ophthalmol Retina. 2022: S2468-6530(22)00066-5.
[6] Tektas OY, Lütjen-Drecoll E. Structural changes of the trabecular meshwork in different kinds of glaucoma. Exp Eye Res. 2009;88(4):769-75.
[7] Le HM, Souied EH, Safa Halouani S et al. Quantitative analysis of choriocapillaris using Swept-Source Optical Coherence Tomography Angiography in eyes with angioid streaks. J Clin Med. 2022;11(8):2134.