Echos SFO 2018. Quoi de neuf en neuro-ophtalmologie ?

Les communications de neuro-ophtal­mologie ont abordé cette année des problématiques variées. On peut ainsi citer les avancées diagnostiques et thérapeutiques présentées lors de la session du DHU Vision et Handicaps, les controverses sur la place de la corticothérapie dans les neuropathies optiques lors du sympo­sium franco-maghrébin, et les urgences lors de la réunion du Club de neuro-ophtalmologie francophone et de la présentation du Rapport.

Avancées diagnostiques et thérapeutiques

Les bonnes pratiques à adopter dans la prise en charge diagnostique et thérapeutique des névrites optiques inflammatoires (NOI) ont été évoquées dans le cadre des NOI du spectre de Devic (Drs Cabre et Merle). Ces NOI sont sévères, récidivantes et peuvent s’accompagner d’une myélite transverse extensive. Le pronostic fonctionnel visuel est mauvais et les anticorps spécifiques anti-Aquaporine 4 doivent être dosés dans le cas de névrites optiques sévères répondant mal à la corticothérapie, récidivantes ou associées à une myélite. Le traitement de la poussée repose sur la corticothérapie intraveineuse souvent complétée par des échanges plasmatiques, et un traitement de fond par immunosuppresseurs doit être mis en route pour prévenir les récidives. Plus récemment, d’autres auto-anticorps spécifiques de la protéine de la myéline (anti-MOG) ont été identifiés ; ils sont responsables de névrites optiques souvent œdémateuses, bilatérales et récidivantes, de pronostic sévère en raison des nombreuses récidives. Trois séries de névrites à Ac anti-MOG ont été présentées lors des communications orales de neuro-ophtalmologie (Drs Ducloyer, Gonzalvez et Le Guern). L’imagerie re­trouve volontiers un aspect de névrite extensive épargnant le chiasma et accompagnée d’une périnévrite. Ces névrites optiques réclament elles aussi un traitement par corticothérapie intraveineuse en mégadoses parfois prolongées ainsi qu’un traitement de fond par immunosuppresseurs.
Lors de la session DHU, le Dr Touitou a présenté les nouveautés dans la physio­pathologie et la prise en charge de ­l’hyper­tension intracrânienne idiopathique (HICI). Si la pathogénie de cette affection reste inconnue, le rôle des aquaporines qui inter­viennent dans le transport de l’eau au niveau cérébral est suspecté. L’acétazolamide associé à un régime hypocalorique reste le traitement de première ligne de cette maladie, mais en cas d’intolérance, de récidive ou d’efficacité incomplète, ­plusieurs publications ont montré ­l’effica­cité et la sécurité du traitement par stenting veineux lorsqu’il existe une image de sténose des sinus transverses avec un gradient de pression transsténotique. Sur le même thème, le Dr Bonin a présenté une série de 75 patients, dont 6 hommes. Dans cette série, comme dans la littérature, l’HICI est plus difficile à diagnostiquer chez l’homme, car elle est moins bruyante. En revanche, le pronostic fonctionnel visuel de ces patients est souvent plus défavorable et l’évolution souvent plus rapide. Il faut savoir évoquer ce diagnostic d’HICI chez les hommes et adapter le suivi et le traitement à ces formes qui peuvent être de plus mauvais pronostic.

Place des corticoïdes

Le symposium franco-maghrébin avait pour thème les controverses en neuro-ophtalmologie. Il a abordé la place des corticoïdes (CT) dans les neuropathies optiques traumatiques (NOT) et dans les NOI antérieures aiguës non artéritiques (NOIA NA).
Alors que des séries rétrospectives, sans groupe contrôle, ont suggéré un bénéfice des CT dans les NOT, une étude ouverte de 127 patients n’a pas montré de supériorité des CT par rapport à l’observation seule. Les CT sont délétères dans les traumatismes médullaires aigus s’ils sont administrés au-delà des 8 premières heures et dans les traumatismes ­crâniens graves même administrés dans les 8 premières heures. Dans les modèles ­animaux de NOT, non seulement les CT n’ont pas d’ef­fet neuroprotecteur, mais ils aggravent les lésions neuronales (controverse Dr Lamari/Dr Touitou).
L’hypothèse d’un bénéfice des CT dans les NOIA NA vient d’une étude ouverte et non randomisée portant sur 613 patients inclus de 1973 à 2000. Les patients étaient libres de choisir ou non une corticothérapie orale. Les résultats ont été publiés en 2008 avec de nombreux biais liés à la méthodologie de l’étude et au final, ­seule­ment une soixantaine d’yeux dans chaque groupe ont été analysés par les auteurs. Les patients qui ont choisi la corti­co­thé­rapie étaient plus jeunes et avaient le moins de comorbidités cardiovasculaires. Ils auraient une meilleure récupération de l’acuité visuelle et du champ visuel que les patients les plus âgés et les plus malades qui ont préféré ne pas prendre de CT. Ces résultats n’ont pas pu être reproduits dans 6 autres études, dont certaines randomisées et en double aveugle, avec au total plus d’une soixantaine de patients analysés dans chaque groupe. De plus, une étude a dû être ­interrompue prématurément à cause des nombreuses complications des CT chez ces patients à risque : déséquilibre du diabète, embolie pulmonaire, hypertonie intraoculaire cortico-induite et, surtout, NOIA NA dans l’œil controlatéral (Drs Elfekih et Lamirel).

Conclusion

Dans ces deux pathologies fréquentes du nerf optique, les données actuelles de la science ne permettent donc pas de mettre en évidence d’effet bénéfique de la corticothérapie, qui pourrait même avoir un effet délétère. Compte tenu des nombreuses complications chez les pa­tients à risque, même un usage compas­sionnel n’est actuellement pas recom­- mandé sur ce terrain.
Il nous est impossible de résumer ici toutes les communications sur la neuro-ophtalmologie, mais il est très probable que nous aurons rendez-vous l’an ­prochain pour évoquer d’autres nouveautés, déjà présentées cette année, comme la valeur diagnostique du « spot lumineux » dans l’imagerie IRM des neuropathies optiques ischémiques artéritiques (Dr Rémond) ou l’intérêt de l’étude de la dimension fractale vasculaire rétinienne, comme du débit sanguin cérébral (Dr Nadal).

Auteurs

  • Catherine Vignal-Clermont

    Ophtalmologiste

    Service urgences, neuro-ophtalmologie, Fondation ophtalmologique A. de Rothschild, Paris ; Service du Pr José Alain Sahel, CHNO des Quinze-Vingts, Paris

  • Cédric Lamirel

    Ophtalmologiste

    Service du Pr Isabelle Cochereau, Fondation ­ophtalmo­logique A. de Rothschild, Paris ; Service du Pr Isabelle Cochereau, hôpital Bichat, Paris

Les derniers articles sur ce thème

L'accès à la totalité de la page est protégé.

Je m'inscris

Identifiez-vous