Dix ans d’expérience d’utilisation de l’implant de dexaméthasone dans les occlusions veineuses rétiniennes : exemple d’un cas clinique Happy Few
Un homme âgé de 60 ans consulte en décembre 2011 pour une baisse visuelle de son œil gauche depuis 1 mois. Dans ses antécédents, on note une hypertension artérielle traitée et une consommation de tabac.
Présentation
À l’examen clinique, l’acuité visuelle ETDRS est de 83 lettres à l’œil droit et de 50 à l’œil gauche. L’examen de l’œil droit est sans particularités. Celui de l’œil gauche montre un segment antérieur normal. Au fond d’œil, on observe une dilatation et une tortuosité des veines rétiniennes dans les 4 quadrants, associée à des hémorragies rétiniennes et à quelques nodules cotonneux, le tout prédominant nettement dans le territoire de l’hémiveine rétinienne supérieure. Il existe un œdème maculaire clinique. Le patient est phaque des 2 yeux, sans cataracte significative. La tension oculaire est normale des 2 côtés.
Devant ce tableau clinique, le diagnostic d’occlusion de la veine centrale de la rétine œdémateuse prédominant sur l’hémiveine supérieure est retenu. Un OCT est réalisé, qui confirme la présence d’un œdème maculaire cystoïde associé à un petit décollement séreux sous-rétinien (figure 1).
L’implant de dexaméthasone (Ozurdex®) est alors disponible depuis quelques mois, avec une AMM et un remboursement pour le traitement des œdèmes maculaires des occlusions veineuses rétiniennes. Aussi propose-t-on au patient un traitement précoce par injection intravitréenne d’un implant de dexaméthasone. Sur le plan général, le patient est adressé à son médecin traitant pour un bilan systémique et l’évaluation des facteurs de risque cardiovasculaire. Deux mois après cette injection, l’état du patient s’est nettement amélioré : l’acuité visuelle de son œil gauche est remontée à 77 lettres ETDRS, soit un gain de 27 lettres. La tolérance de l’implant de dexaméthasone est bonne, avec une tension oculaire à 16 mmHg. Les hémorragies rétiniennes et la tortuosité des veines rétiniennes ont nettement diminué et le profil maculaire s’est normalisé, avec une régression complète de l’œdème maculaire (figure 2). Sur le plan général, le bilan cardiovasculaire est négatif en dehors de l’hypertension artérielle déjà connue et qui est équilibrée, et le patient a arrêté la consommation de tabac.
Deux mois après cette deuxième injection intravitréenne, le patient a récupéré une acuité visuelle à 80 lettres et la tension oculaire est à 15 mmHg. L’œdème maculaire s’est résorbé. Il persiste une petite dilatation résiduelle des veines rétiniennes et de rares nodules cotonneux mais les hémorragies rétiniennes ont disparu et on distingue mieux le développement d’une circulation collatérale prépapillaire (figure 4).
Le patient est ensuite suivi régulièrement, avec espacement progressif des contrôles car l’évolution reste favorable, sans récidive de l’occlusion veineuse rétinienne. Au dernier examen en mai 2021, soit presque 10 ans après le premier implant de dexaméthasone, l’acuité visuelle de l’œil gauche est mesurée à 71 lettres ETDRS en raison du développement d’une petite cataracte nucléaire. La rétinographie en ultra-grand champ montre un fond d’œil satisfaisant sans hémorragies et il ne persiste qu’une discrète tortuosité des veines rétiniennes. À l’OCT, le profil maculaire est normal (figure 5). La tension oculaire est à 16 mmHg. À l’œil droit, l’acuité visuelle est à 75 lettres ETDRS, avec une cataracte nucléaire débutante, et le reste de l’examen est normal avec une tension oculaire à 16 mmHg.
Discussion
En 2011, l’implant de dexaméthasone a été le premier traitement disponible avec une indication remboursée pour le traitement de l’œdème maculaire des occlusions veineuses rétiniennes grâce aux résultats de l’étude de phase III GENEVA [1]. Ce cas clinique permet d’illustrer l’évolution favorable d’un patient présentant une occlusion de la veine centrale de la rétine œdémateuse traitée par 2 implants de dexaméthasone avec d’excellents résultats anatomiques et fonctionnels, et avec presque 10 ans de suivi. On peut considérer ce patient comme faisant partie des rares sujets Happy Few qui n’ont pas eu besoin de nombreux traitements.
Les études princeps et les études de vraie vie ont bien montré que pour obtenir de bons résultats, il fallait traiter tôt et ne pas attendre de grosses récidives ou baisses visuelles pour retraiter [1-3]. Dans notre cas, la prise en charge initiale a été rapide (1 mois après le début des symptômes), ainsi que le retraitement après la récidive de l’œdème maculaire, ce qui a probablement contribué à la bonne récupération fonctionnelle du patient. De plus, l’évolution a été favorable, sans complications ischémiques qui peuvent survenir malgré les traitements par injection.
En ce qui concerne la tolérance de la dexaméthasone, le patient n’a pas développé d’hypertonie oculaire. Celle-ci reste un risque lié à l’implant de dexaméthasone mais ce risque est maintenant bien connu. L’étude SAFODEX-2 a montré que si le risque d’hypertonie oculaire était d’environ 28%, 90% des hypertonies étaient détectées après les 2 premières injections et qu’il n’y avait pas d’effet cumulatif des injections répétées, même avec un intervalle de retraitement inférieur à 6 mois [4].
Notre patient a développé une cataracte sénile bilatérale au bout de 10 ans de suivi, qui n’a toutefois pas été décompensée par les 2 implants de dexaméthasone. Il faut néanmoins toujours bien prévenir les patients de ce risque de cataracte cortico-induite qui peut se développer après plusieurs implants.
Conclusion
L’implant de dexaméthasone est utilisé depuis 10 ans pour traiter les œdèmes maculaires des occlusions veineuses rétiniennes. Nous présentons ici le cas d’un de nos premiers patients traités par cette molécule, qui a évolué favorablement après 2 implants avec un suivi de presque 10 ans. Ces patients Happy Few restent cependant une minorité (environ 10% des cas) et la plupart des patients ont besoin de réinjections dans le temps. Aussi est-il nécessaire d’assurer un suivi optimal des patients afin d’éviter les sous-traitements, de dépister et de traiter les complications ischémiques qui peuvent survenir malgré les injections.
Références bibliographiques
[1] Haller JA, Bandello F, Belfort R Jr et al. Dexamethasone intravitreal implant in patients with macular edema related to branch or central retinal vein occlusion twelve-month study results. Ophthalmology. 2011;118(12):2453-60.
[2] Yoon YH, Kim JW, Lee JY et al. Dexamethasone intravitreal implant for early treatment and retreatment of macular edema related to branch retinal vein occlusion: the multicenter COBALT study. Ophthalmologica. 2018;240(2):81-9.
[3] Fortoul V, Denis P, Kodjikian L. Anatomical and functional recurrence after dexamethasone intravitreal implants: a 6-month prospective study. Eye (Lond). 2015;29(6):769-75.
[4] Malclès A, Dot C, Voirin N et al. Safety of intravitreal dexamethasone implant (Ozurdex): The SAFODEX study. Incidence and risk factors of ocular hypertension. Retina. 2017;37:1352-59.