Diagnostic étiologique des uvéites postérieures

Les uvéites postérieures associées ou non à des vascularites rétiniennes sont de causes multiples. Elles exposent à un risque élevé de complications ou de séquelles affectant la fonction visuelle si elles ne sont pas traitées ou restent insuffisamment contrôlées. L’étape clé du diagnostic étiologique est sa caractérisation clinique. Les examens complémentaires aideront ensuite à confirmer les diagnostics évoqués sur le tableau clinique et l’interrogatoire orienté.
Diagnostic étiologique clinique
La priorité du diagnostic étiologique est d’éliminer une infection ou une fausse uvéite et d’identifier certaines maladies systémiques associées potentiellement graves afin d’adapter dans le meilleur délai le traitement.
Signes fonctionnels
L’atteinte est uni- ou bilatérale. Les signes fonctionnels habituels amenant à faire consulter sont la baisse de l’acuité visuelle, des métamorphopsies, des myodésopsies ou un trouble du champ visuel et parfois des photopsies. Certains patients peuvent rester asymptomatiques quand l’atteinte siège en périphérie et lorsque la réaction inflammatoire induite est absente ou peu marquée, comme chez l’immunodéprimé.
Examen et caractérisation clinique
Une atteinte inflammatoire unilatérale doit faire évoquer avant toute chose une infection. Ainsi, la classification anatomique de l’uvéite, son mode d’évolutivité et son uni- ou sa bilatéralité doivent impérativement être connues pour l’orientation diagnostique puis thérapeutique. Une cause infectieuse sera d’autant plus suspectée que l’atteinte est granulomateuse et corticorésistante, ou corticodépendante à de hauts niveaux (tableau I).
Même si la réaction de la chambre antérieure ne prédomine pas dans le cas d’une uvéite postérieure, elle peut apporter des indices précieux. Les uvéites associées à la maladie de Behçet ne sont jamais granulomateuses, mais toute uvéite peut commencer sur le mode non granulomateux. Ainsi, le caractère granulomateux, défini par la présence de précipités rétrocornéens et/ou de nodules iriens, permet de restreindre les étiologies possibles et leurs aspects à valeur d’orientation. L’hypopion est classiquement décrit dans les rétinites virales ou dans le cas d’une endophtalmie fongique ou bactérienne, ainsi que dans l’uvéite associée à la maladie de Behçet.
Une uvéite postérieure est tout à fait possible sans hyalite chez l’immunodéprimé profond, néanmoins sa présence permet d’associer des manifestations du segment postérieur à une inflammation.
Le terme de rétinite, lésion blanche avec des bords flous et discrètement surélevée, représente une inflammation de la rétine sans préjuger de son étiologie. Le terme de rétinochoroïdite est employé si le foyer touche la choroïde sous-jacente, celui de choriorétinite si la rétine est touchée par une inflammation choroïdienne de contiguïté, et celui de neurorétinite si elle provient du nerf optique. Des hémorragies rétiniennes peuvent être présentes. Les foyers de choroïdite apparaissent comme des lésions jaunâtres plus profondes que les foyers de rétinite sous l’épithélium pigmentaire.
Les vascularites rétiniennes sont focales, multifocales ou diffuses. Elles peuvent être définies comme occlusives ou non et être veineuses (phlébites ou périphlébites), artérielles (artérites), mixtes et capillaires (capillarites). Les nodules cotonneux et les hémorragies rétiniennes font également partie de la sémiologie possible des vascularites rétiniennes. Les vascularites rétiniennes veineuses sont un signe clinique extrêmement fréquent et ne sont pas spécifiques d’une uvéite postérieure car elles peuvent être présentes dans les uvéites intermédiaires. En revanche, les vascularites rétiniennes artérielles sont plus rares et ont une plus grande valeur d’orientation, évoquant en premier lieu une infection, notamment virale. Elles sont également possibles dans la maladie de Behçet et dans certaines maladies auto-immunes comme le lupus érythémateux systémique et les vascularites à ANCA.
Interrogatoire
L’interrogatoire sera dirigé en fonction des hypothèses diagnostiques issues de l’examen clinique. La recherche d’une aphtose buccale est systématique du fait de la gravité ophtalmologique associée à la maladie de Behçet. L’examen clinique sera le plus souvent complété par des examens complémentaires ophtalmologiques et généraux.
Explorations complémentaires
Imagerie multimodale
La rétinophotographie et l’autofluorescence sont utiles pour le diagnostic étiologique, l’évaluation de l’évolution et de la réponse au traitement. L’imagerie ultra grand champ représente une réelle valeur ajoutée (figure 1). Le diagnostic de vascularite rétinienne est confirmé par l’angiographie à la fluorescéine, associée de manière systématique lors de l’évaluation initiale à l’angiographie au vert d’indocyanine. L’OCT est évidemment omniprésente et très largement utilisée.
L’OCT-angiographie (OCT-A) ne permet pas d’identifier les vascularites rétiniennes mais elle est très utile dans ce contexte pour distinguer le réseau vasculaire des membranes néovasculaires d’origine inflammatoire (figure 2). L’imagerie multimodale pourra être complétée par un champ visuel automatisé ou par un électrorétinogramme (ERG).
Prélèvements intraoculaires
La confirmation microbiologique est indispensable si on soupçonne une nécrose virale, et nécessaire dans le cas d’une uvéite postérieure à Toxoplasma gondii atypique ou sévère. La ponction de la chambre antérieure permet l’analyse de l’humeur aqueuse à la recherche d’une cause infectieuse virale ou parasitaire par PCR ou d’une synthèse locale d’anticorps spécifiques.
Si on soupçonne une pseudo-uvéite, comme c’est le cas dans le lymphome vitréo-rétinien, la ponction permet également de quantifier l’interleukine 10, considérée comme un biomarqueur du lymphome B ; une vitrectomie diagnostique est nécessaire pour une confirmation histologique. La vitrectomie peut être aussi utile pour identifier un agent infectieux devant des difficultés diagnostiques.
Examens complémentaires systémiques
La sérologie de la syphilis reste systématiquement effectuée du fait du polymorphisme de l’uvéite associée. Un bilan étiologique de référence sera effectué devant une uvéite postérieure d’étiologie non identifiée, plus ou moins modifié et adapté au cas par cas en fonction de la sévérité et du contexte épidémiologique (tableau II). Un bilan étendu systématique garde un intérêt pour les uvéites chroniques sévères.
Conclusion
Devant une uvéite postérieure, la priorité est d’éliminer une infection et une fausse uvéite, même si ces étiologies sont proportionnellement moins fréquentes. L’examen clinique, un interrogatoire dirigé et l’imagerie multimodale sont les clés d’un diagnostic étiologique efficace.
Pour en savoir plus
Gueudry J, Girszyn N, Leclercq M. Uvéites postérieures et vascularites rétiniennes. EMC – Ophtalmologie. 2020:1-14 [Article 21-230-B-10].
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