Diagnostic et imagerie des vascularites rétiniennes

La vascularite rétinienne (VR) est une inflammation focale, segmentaire ou diffuse des parois des vaisseaux rétiniens et/ou capillaires. Elle est due à une maladie oculaire isolée, à une maladie inflammatoire systémique ou à une vascularite rétinienne idiopathique. On distingue la vascularite rétinienne primitive (inflammation directe de la paroi vasculaire) de la vascularite rétinienne secondaire qui est une projection inflammatoire d’un granulome actif localisé au niveau de la rétine ou de la choroïde sous-jacente. Les VR sont très fréquentes au cours des uvéites intermédiaires ou postérieures.
On distingue les phlébites ou périphlébites (inflammations intéressant les veines), les artérites ou périartérites (inflammations des artères) et les capillarites (inflammations du lit capillaire).
Diagnostic
Le diagnostic d’une VR se pose grâce à un examen clinique détaillé et rigoureux intégrant un fond œil dilaté. Le diagnostic peut être aidé ou confirmé par l’angiographie rétinienne à la fluorescéine, qui est l’examen de référence. L’imagerie multimodale complémentaire intègre l’angiographie ICG, les clichés infrarouges, l’OCT, l’OCT-A et l’optique adaptative. Ces différents examens permettent d’affiner le diagnostic, d’évaluer la sévérité de l’inflammation, de rechercher des complications (œdème maculaire ou papillaire, ischémie rétinienne, néovascularisation), d’adapter le traitement et de surveiller l’évolution.
L’examen clinique recherchera tous les signes associés d’une inflammation oculaire, dont la hyalite, et des lésions rétino-choroïdiennes actives ou cicatrisées. L’examen devra éliminer les vasculopathies qui pourraient prendre le masque d’une vascularite rétinienne.
Lésions caractéristiques
Engainement vasculaire (figure 1)
Le bord vasculaire prend l’aspect d’un manchon blanc jaunâtre à bords flous en phase active. La lumière vasculaire a une constriction variable et apparaît rouge. Les engainements sont le plus souvent périphériques et segmentaires ou diffus. Ils diffusent en angiographie. Cet aspect est l’un des signes les plus précoces et caractéristiques de la VR. Dans la sarcoïdose, les périphlébites peuvent prendre la forme de « taches de bougie ».
Modification du calibre vasculaire
L’engainement et la restriction partielle de la lumière vasculaire donnent un aspect moniliforme « en chapelet ».
Vaisseaux fantômes
Les vaisseaux ont un aspect déshabité par un engainement total de la paroi vasculaire. Il est lié à une infiltration étendue par les cellules inflammatoires et une constriction majeure de la lumière. Cet aspect peut aussi être retrouvé dans des pathologies non inflammatoires telle l’artériosclérose sévère.
Occlusion ou ischémie rétinienne
Des signes indirects d’ischémie rétinienne sont un œdème rétinien, les hémorragies rétiniennes et les nodules cotonneux. Les remaniements tardifs secondaires à l’occlusion sont les télangiectasies, les microanévrysmes et la néovascularisation induite par l’ischémie, avec des séquelles telles que l’hémorragie intravitréenne, le décollement de rétine tractionnel, la rubéose iridienne et le glaucome néovasculaire.
Angéite givrée
Il s’agit d’une forme rare et très particulière de VR qui se retrouve au cours de vascularites ischémiques sévères associées ou non à une hyalite. Cette forme atteint à la fois les artères et les veines, avec un aspect « de branches gelées d’un arbre ».
Recherches
L’examen recherchera aussi des exsudats rétiniens, des anévrysmes rétiniens.
Artérite de Kyrieleis
Manchon blanchâtre périartériel en « pointillés » dans des contextes d’infection rétinienne.
Néovaisseaux rétiniens
Ils sont le plus souvent secondaires à une ischémie rétinienne étendue. Ils peuvent aussi être induits à une inflammation très sévère sans ischémie, et régressent dans ce cas avec un traitement immunosuppresseur.
Examens complémentaires
Angiographie rétinienne à la fluorescéine
L’angiographie à la fluorescéine (AF) est le gold standard pour confirmer le diagnostic de la VR et rechercher des signes d’activité ou des complications (œdème maculaire ou papillaire, ischémie rétinienne ou maculaire, néovaisseaux rétiniens). Elle permet de préciser les vaisseaux impliqués et l’étendue des lésions, et de distinguer les formes ischémiques des formes œdémateuses. L’atteinte en angiographie peut être plus étendue que celle vue cliniquement.
Le stade de la VR est affiné par l’AF :
- inflammation active : infiltrats blanchâtres périvasculaires diffus ou focaux à bords flous, œdème rétinien, hémorragies, œdème maculaire cystoïde et occlusions vasculaires inflammatoires ;
- ischémie rétinienne : vaisseaux sclérosés, collatérales tortueuses ;
- néovascularisation rétinienne : risque d’hémorragie intravitréenne ;
- stade de complications : décollement de rétine tractionnel, glaucome néovasculaire.
Toute altération de l’intégrité de la paroi vasculaire (c’est-à-dire rupture de la barrière hématorétinienne) se manifeste par une imprégnation et des diffusions vasculaires. L’imprégnation ne peut différencier le caractère actif ou inactif. Ces diffusions vasculaires sont focales, segmentaires ou diffuses. Des diffusions vasculaires peuvent aussi être visibles en bordure d’une zone d’ischémie ou dans le cas d’une néovascularisation rétinienne. La diffusion veineuse est plus fréquente qu’artérielle.
L’atteinte capillaire n’est visible qu’en fluorescéine : présence d’une diffusion très importante à partir des capillaires, associée ou non à une ischémie/non-perfusion rétinienne. La capillarite diffuse peut être très importante, donnant un aspect « en feuilles de fougère », notamment dans la maladie de Behçet ou la choriorétinopathie de type Birdshot (figures 2 et 3).
Les VR occlusives peuvent toucher les plus gros vaisseaux rétiniens, ou le plus souvent des zones d’ischémie capillaire qui sont indétectables cliniquement.
Certaines uvéites postérieures peuvent se présenter comme une occlusion de la veine centrale de la rétine (vascularite tuberculeuse, Behçet) ou une occlusion de l’artère centrale de la rétine (maladie de Behçet, lupus).
Les signes spécifiques d’uvéite (manchons vasculaires, granulomes choroïdiens, inflammation même a minima, etc.) doivent être recherchés pour redresser le diagnostic.
Les VR occlusives sont plus souvent associées à la tuberculose, aux vascularites virales, au lupus (figure 4), à la maladie de Behçet, au syndrome de Susac ou à la toxoplasmose. Le syndrome de Susac présente des occlusions segmentaires des artérioles typiques, associées à des diffusions focales de la paroi vasculaire des artérioles en fluorescéine.
Des néovaisseaux rétiniens peuvent survenir en cas d’ischémie importante, ou dans de rares cas d’uvéites très inflammatoires.
L’angiographie à la fluorescéine en ultra grand champ (UWF 200°) améliore la détection des VR périphériques (68% vs 45% en AF conventionnelle) ou des zones d’ischémie rétinienne [1]. La diffusion vasculaire périphérique en ultra grand champ est présente chez 57% des patients ayant une uvéite active mais reste présente chez 24% des uvéites bien contrôlées [2]. La diffusion vasculaire périphérique en UWF a aussi été retrouvée dans plus de 42% des uvéites antérieures, dont 44% inactives cliniquement [3]. L’œdème maculaire cystoïde lié à l’uvéite antérieure était plus fréquent chez les patients ayant une diffusion rétinienne périphérique, et 44% des uvéites antérieures avec une diffusion rétinienne périphérique avaient une étiologie spécifique comme la spondylarthrite ankylosante, l’arthrite juvénile idiopathique et le TINU (néphrite tubulo-interstitielle et uvéite) [3]. Cette détection de la diffusion vasculaire périphérique permet d’adapter le traitement mais ne doit pas être le seul facteur décisif dans l’intensification thérapeutique car sa signification clinique reste à préciser.
La diffusion vasculaire peut être focale, comme dans la sarcoïdose ou la sclérose en plaques, ou plus diffuse, comme dans la maladie de Behçet et la maladie de Eales.
ICG
L’angiographie à l’ICG est indispensable en uvéite pour évaluer la vascularisation choroïdienne et doit être combinée à la fluorescéine [4]. L’ICG recherchera une hyperfluorescence précoce du stroma choroïdien, une inflammation choroïdienne active – vascularisation choroïdienne floue, qui peut être difficile à apprécier – ou des lésions hypofluorescentes – granulomes choroïdiens à différencier de l’ischémie de la choriocapillaire. L’ICG permet de différencier les atteintes de la choriocapillaire des atteintes stromales choroïdiennes et de détecter les néovaisseaux choroïdiens.
OCT
Sur les clichés infrarouges, l’épaississement de la paroi vasculaire est bien visible et peut être remarqué sur les images en face de l’OCT. L’OCT détecte des changements microstructuraux associés à l’inflammation : on retrouve un épaississement focal rétinien avec perte des laminations rétiniennes autour des vaisseaux inflammés, un œdème maculaire, des exsudats intrarétiniens [5]. Les artérites de Kyrieleis présentent une hyperréflectivité de la paroi du vaisseau liée à une atteinte inflammatoire de l’endothélium vasculaire [6]. La mesure de l’épaisseur choroïdienne en OCT-EDI est également importante et complète les données de l’angiographie ICG.
OCT-A
L’OCT-A peut révéler plus précisément des occlusions microvasculaires inflammatoires rétiniennes ou choroïdiennes dans les uvéites. Comme l’OCT, elle montre un épaississement rétinien périvasculaire autour des vaisseaux diffusant en angiographie en phase active. Cet épaississement rétinien diminue lors du traitement de la vascularite. L’OCT-A décèle aussi les ischémies de la rétine ou de la choriocapillaire. Elle permet de mieux comprendre la physiopathologie des pathologies induisant des ischémies de la choriocapillaire. Elle ne peut malheureusement pas montrer les vascularites périphériques, non accessibles lors de l’acquisition de l’image [7].
OA
L’optique adaptative (OA) est une technologie optoélectronique qui améliore la résolution latérale des images du fond d’œil, dont les photorécepteurs et les capillaires, permettant une analyse quantitative des structures microvasculaires. L’OA détecte de manière très sensible les infiltrats périvasculaires de la vascularite rétinienne. La gaine vasculaire apparaît sous la forme d’opacités fusiformes ou linéaires de part et d’autre des vaisseaux, souvent colocalisées avec un rétrécissement vasculaire focal. Cette gaine disparaît en OA pendant le suivi [8]. Il existe une corrélation importante (66%) entre les engainements périvasculaires visibles en OA, l’infrarouge et les diffusions visibles en angiographie à la fluorescéine. L’OA permet aussi de visualiser dans 55% des engainements périvasculaires dans de nouvelles zones, non décelés en rétinophotographie ou en fluorescéine [9]. Cependant, cette technique n’en est qu’à ses débuts, les données disponibles étant limitées et l’image de la rétine périphérique n’étant pas possible dans les troubles des milieux.
Conclusion
Les vascularites rétiniennes ont des aspects cliniques variés et se présentent sous la forme de périphlébites, d’artérites, d’ischémie rétinienne, d’anévrysmes rétiniens ou de néovaisseaux rétiniens. L’angiographie à la fluorescéine est l’examen de référence pour révéler les VR. L’imagerie multimodale montre l’étendue des vascularites rétiniennes et leurs complications. Il existe une bonne corrélation pour identifier les VR entre les différents examens.
Références bibliographiques
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[3] Chi Y, Guo C, Peng Y et al. A prospective, observational study on the application of ultra-wide-field angiography in the evaluation and management of patients with anterior uveitis. PLoS One. 2015;10(3): e0122749.
[4] Tugal-Tutkun I, Herbort CP, Khairallah M. Scoring of dual fluorescein and ICG inflammatory angiographic signs for the grading of posterior segment inflammation (dual fluorescein and ICG angiographic scoring system for uveitis). Int Ophthalmol. 2010;30(5):539-52.
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[8] Mahendradas P, Vala R, Kawali A et al. Adaptive optics imaging in retinal vasculitis. Ocul Immunol Inflamm. 2018;26(5):760-6.
[9] Errera MH, Laguarrigue M, Rossant F et al. High-resolution imaging of retinal vasculitis by flood illumination adaptive optics ophthalmoscopy: A follow-up study. Ocul Immunol Inflamm. 2020;28(8): 1171-80.
[10] El-Asrar AM, Herbort CP, Tabbara KF. A clinical approach to the diagnosis of retinal vasculitis. Int Ophthalmol. 2010;30(2):149-73.