Déserts médicaux : la Drees fait le point sur les mesures efficaces… ou non

Lors de l’examen du PLFSS 2022, d’énièmes discussions ont eu lieu autour des déserts médicaux et de la façon d’y remédier, allant de la coercition à la mise en place de zones franches, dans lesquels les médecins bénéficieraient d’exonération de cotisations sociales. Finalement, le statu quo ­demeure, mais la question également : l’une de ces deux mesures aurait-elle pu être efficace ? Une réponse se trouve peut-être dans une étude de la Drees (Direction de la recher­che, des études, de l’évaluation et des statistiques), publiée en décembre et intitulée « Remédier aux pénuries de ­médecins dans certaines zones géographiques ; les leçons de la litté­rature internationale ».

Celle-ci révèle que d’après des études menées dans six pays (Danemark, Ecosse, Norvège, ­Portugal, Allemagne et Australie), lors du choix du lieu d’installation par les médecins, « le niveau de revenu est un aspect qui importe certes, mais que d’autres aspects non pécuniaires de l’exercice professionnel revêtent une valeur encore plus importante à leurs yeux. En conséquence, influer sur leurs choix par le biais d’incitations financières nécessiterait des ­augmentations de revenu extrêmement élevées pour compenser des conditions d’exercice considérées comme désavantageuses (nombre d’heures élevé, permanences nombreuses, localisation dans une zone peu dense...). » En d’autres termes, l’incitation financière seule ne peut pas être un levier suffisant pour ­inciter les médecins à s’installer en zone sous-dense. D’ailleurs, note le rapport, « les dispositifs de soutien financier aux étudiants en contrepartie d’engagements de service ­permettent en général d’accroître l’offre à court terme mais avec des résultats discutables à plus long terme. » Quid des autres leviers, tels que la formation initiale ou les contraintes à l’installation ? Concernant la première, des expérimentations menées aux États-Unis semblent prouver ­qu’augmenter la part des étudiants admis en médecine venant de communautés défavorisées en termes d’accès aux soins a un impact positif à long terme. Elles impliquent la décentralisation des centres de formation ainsi que l’intégration de formations spécifiques à la santé rurale dans le cursus des futurs ­médecins. La régulation d’installation, qu’elle consiste en un passage obligé pendant une durée donnée en zone sous-dense ou en une restriction plus globale de la liberté ­d’installation, est également une piste intéressante pour la ­réduction des déserts médicaux… du moins à l’échelle régionale. « S’agissant de savoir si, en tout point du territoire (à un niveau infrarégional), l’accès au médecin est assuré de façon satisfaisante, et si la régulation des installations permet d’éviter les pénuries localisées dans les zones peu attractives, la réponse est moins affirmative », tempère le rapport. Alors que faire ? Miser sur un éventail de mesures. Et pour complé­ter celles déjà en place en France, la Drees suggère de renforcer la diversification de l’origine sociale et territoriale des étudiants en médecine et pour cela de miser notamment sur des démarches proactives auprès des élèves du secondaire. Enfin, « l’effort pour proposer des conditions de vie et de ­travail épanouissantes pourrait être accru, estime l’étude. La politique de promotion des structures d’exercice collectif mise en place en France depuis une dizaine d’années est un pilier majeur de la stratégie d’attractivité des territoires. ­L’expérience montre cependant que, s’il est facile de ­rejoindre une équipe déjà existante, la création d’une structure reste compliquée. L’accompagnement des professionnels sur le terrain, par des mesures de soutien visant à améliorer leur cadre de vie et de travail, pourrait certainement être encore développé. »

N. Le Jannic