Démystifier le segment antérieur
Dans un éditorial, deux chercheurs américains s’attaquent à six fausses informations communes sur le segment antérieur, afin « d’informer notre communauté, de comprendre pourquoi ces mythes persistent et de chercher comment prendre en compte ce genre de problème », expliquent les auteurs.

Premier sujet : le signe de Hutchinson prédit le zona ophtalmique. Les auteurs rappellent que selon la littérature disponible, la présence de vésicules sur le nez n’est pas prédictive d’une atteinte oculaire. En revanche, une éruption au niveau du nerf supratrochléaire est un signe. Mythe n°2 : en cas de blépharite, nettoyer les paupières avec une lingette imbibée de shampoing pour bébé. Une mauvaise idée selon les chercheurs, car non seulement il n’existe pas de traitement ayant réellement prouvé son efficacité face à la blépharite chronique, mais en plus les colorants et parfums peuvent être irritants et le shampoing en lui-même risque de déstabiliser le film lacrymal et de blesser la surface oculaire. Et les chercheurs poursuivent, révélant ainsi également que non, la kératite ponctuée superficielle de Thygeson n’est pas limitée à l’épithélium cornéen, mais peut causer une inflammation stromale. Quant à la kératoconjonctivite limbique supérieure, elle n’a jamais été statistiquement associée à des paupières supérieures trop serrées. Les auteurs soulignent également que l’idée de prescrire des larmes artificielles sans conservateur pour les patients qui en utilisent régulièrement ne repose pas sur des bases scientifiques. Enfin, ils mettent à mal l’idée, ou du moins les mots employés pour la décrire, qu’un sevrage progressif des corticostéroïdes topiques doit être mis en place pour éviter un rebond de l’inflammation. Ils indiquent n’avoir trouvé aucune donnée supportant l’idée que l’œil devient rapidement dépendant aux corticostéroïdes et qu’il ne s’agit par ailleurs pas d’un risque de rebond de l’inflammation mais plutôt d’une reprise de celle-ci. Il est donc logique de diminuer progressivement les corticostéroïdes pour minimiser l’usage du produit et les éventuels effets secondaires, tout en gardant l’inflammation sous contrôle. « Alors, que fait-on à propos des mythes et des fausses informations qui circulent dans notre domaine ?, s’interrogent les chercheurs. D’abord, nous reconnaissons qu’ils existent, puis nous essayons de prendre le problème en main. » Ils encouragent les enseignants comme les étudiants à questionner constamment les dogmes établis, à développer scepticisme et esprit critique… et à ne s’appuyer que sur des preuves et des faits scientifiquement établis.
Margolis, Todd P. Galor, Anat et al. Six Myths of the Anterior Segment: Misunderstandings and Critical Thinking in Ophthalmology. Ophthalmology.
N. Le Jannic