Délégation des tâches en contactologie
Avec l’émergence des cabinets de groupe, nous abordons une ère où l’ophtalmologiste ne travaille plus seul dans son cabinet. Nombre de centres de soins d’ophtalmologie se développent sur notre territoire. Ils se caractérisent par le travail coordonné d’une équipe pluridisciplinaire avec, pour la partie médicale, des ophtalmologistes, des orthoptistes, des infirmières et des assistants médicaux dont font partie les opticiens et, pour la partie administrative et technique, des secrétaires, des chefs de centre, des informaticiens, etc. La délégation des tâches en travail aidé permet ainsi une prise en charge plus rapide de la santé visuelle des patients. Elle a été largement étayée et encouragée mais qu’en est-il lorsqu’elle s’inscrit dans un parcours d’adaptation en contactologie ?
La contactologie est une discipline de l’ophtalmologie très riche qui permet de répondre aux besoins visuels, qu’ils soient d’ordre médical ou esthétique, de chaque patient, mais dans certains cas elle peut s’avérer chronophage. En France, l’adaptation en lentilles de contact est un acte médical et doit se réaliser sous le contrôle d’un ophtalmologiste.
Les patients que nous recevons pour la première fois racontent leur parcours du combattant pour trouver un ophtalmologiste spécialisé en contactologie, notamment dans les circonstances très complexes. C’est le cas de l’équipement des enfants (cataractes congénitales, amblyopes unilatéraux, fortes corrections, anisométropie…). Nous recevons de plus en plus de parents souhaitant que leurs enfants soient équipés en orthokératologie ou par tout autre moyen permettant la freination myopique.
Il est donc nécessaire de mettre en place un « parcours d’adaptation » simple et efficace afin de répondre aux besoins des porteurs. C’est là qu’une structure en travail aidé prend tout son sens. C’est cette problématique que nous allons aborder dans cet article.
Une synergie des rôles de chaque collaborateur pour une organisation efficiente
L’ophtalmologiste contactologue doit pouvoir s’appuyer sur ses collaborateurs. Il peut leur déléguer certaines tâches en s’étant assuré au préalable de leurs compétences. Il continuera à les former tout au long de leur coopération.
Le secrétaire médical
C’est un maillon essentiel de la chaîne. C’est le premier contact avec le patient et c’est lui qui, par ses questions, prend le ou les rendez-vous adéquats, anticipe leur durée, gère la sortie des patients et la prise des rendez-vous de contrôle éventuels.
Il tient donc un rôle indispensable dans l’accueil, la gestion du planning, l’information sur le parcours. C’est lui qui assure la signature et l’archivage des dossiers administratifs obligatoires, comme la signature, la note d’information sur les honoraires, le protocole d’adaptation en orthokératologie…
Certains patients n’osent pas poser certaines questions ou bien n’ont pas compris ce que leur a dit l’ophtalmologiste, ou simplement ont peur de déranger le médecin. Il est donc essentiel que le secrétaire médical ait certaines connaissances de base afin de répondre à leurs éventuelles questions. S’il n’a pas de réponse à la question posée, l’orthoptiste peut prendre le relais.
Le secrétaire médical doit être capable de différencier les différentes catégories de lentilles (souples-rigides-hybrides sclérales), les modes de renouvellement, les produits d’entretien associés inscrits sur l’ordonnance, ainsi que les différents types de forfait d’adaptation.
Les lentilles de contact et leur adaptation sont, dans six cas d’amétropie, remboursées par la Sécurité sociale : le kératocône, l’anisométropie supérieure à 3 D non corrigeable en lunettes, l’astigmatisme irrégulier, la myopie supérieure ou égale à 8 D, le strabisme accommodatif et l’aphakie unilatérale. Les diverses formalités correspondant à ces adaptations doivent être expliquées au patient.
Pour finir, le secrétaire est en charge de gérer les commandes de lentilles d’essai, leur réception et leur retour au laboratoire si nécessaire.
L’orthoptiste ou autre personnel paramédical
Précieuse aide à la consultation, son travail permet de « préparer le terrain » pour l’ophtalmologiste. Outre sa mission d’interroger méticuleusement le patient sur son historique médical, les questions sont spécifiquement orientées en vue du choix de l’équipement contactologique à envisager.
Les questions se portent sur la profession et les loisirs du patient, le temps qu’il passe devant les écrans, le motif ayant engendré son désir de port de lentilles, sa demande, le mode de port souhaité (quotidien ou occasionnel, nocturne, diurne ou permanent)… Si le patient est déjà porteur de lentilles et qu’il n’est pas satisfait : l’interroger sur les symptômes ressentis, ses insatisfactions, le produit d’entretien utilisé – est-il différent de celui préconisé par l’ophtalmologiste prescripteur ?
Tous ces éléments permettent de mieux comprendre ses problèmes afin d’améliorer son équipement. Dans le cas d’une mauvaise observance constatée ou d’un mésusage, l’orthoptiste pourra rappeler et réexpliquer les règles obligatoires : lavage des mains avant et après la pose et la dépose des lentilles, ne pas dormir – sauf si orthokératologie bien sûr –, ni prendre de douche, ni pratiquer tous les sports aquatiques avec ses lentilles. Il est aussi utile de lui demander comment il nettoie et pose ses lentilles (massage réalisé ; déprotéinisation et ce, à quel rythme ; quel produit instillé dans la lentille sclérale ?)… Il ne faut jamais hésiter à répéter les choses.
Après la réfraction, l’orthoptis te ou l’assistant paramédical réalise les examens complé mentaires nécessaires en fonction de l’adaptation envisagée :
- faire l’état des lieux de la vision binoculaire (éliminer toute suspicion de neutralisation, notamment dans le cadre d’une adaptation en lentilles multifocales) ;
- rechercher l’œil dominant et le maximum convexe dans le cas d’une adaptation en lentilles multifocales ;
- faire une topographie dans le cadre d’une adaptation en lentilles rigides ou de suspicion de corneal warpage ;
- en fonction du niveau de compétences de l’orthoptiste, l’ophtalmologiste peut lui demander de calculer les lentilles de première intention, grâce aux nombreux logiciels d’aide à l’adaptation propo sés par les laboratoires de lentilles – Click&fit (Precilens), Easyfit (Menicon), I Adapt (LCS) – et des calculateurs de conversion « formule lunettes » en « formule lentilles » disponibles sur le site Internet d’autres fabricants.
Après la vérification de l’état de la surface oculaire, l’ophtalmologiste préconise les lentilles d’essai à poser. Si celles-ci sont disponibles en cabinet, l’orthoptiste se charge de la pose.
Le patient est installé en salle d’attente pour qu’il s’habitue à cet équipement. Au bout de 20 à 30 minutes, un premier contrôle est réalisé par l’orthoptiste. Si tout est parfait, le patient est revu par l’ophtalmologiste qui décidera soit d’une modification, soit de passer au stade de l’apprentissage de la manipulation des lentilles si celle-ci est faite au cabinet. Il est souvent pratique de la déléguer à l’opticien qui peut commander les lentilles d’essai.
Dans le cadre du contrôle en orthokératologie, un nouveau rendez-vous est fixé pour le début du matin suivant la première nuit de port. Une topographie est réalisée. L’acuité visuelle sans verre est vérifiée et une réfraction additionnelle peut être faite si besoin. L’orthoptiste vérifie que la manipulation a bien été assimilée et les produits d’entretien bien utilisés.
L’ophtalmologiste
L’ophtalmologiste pilote toute l’adaptation, en supervise toutes les étapes et valide le choix de l’équipement. C’est lui et lui seul qui prescrit les lentilles d’essai ou définitives et les produits d’entretien si nécessaire.
Le patient sera revu par l’ophtalmologiste pour un dernier contrôle avant la prescription finale.
Conclusion
Déléguer des tâches bien définies permet à l’ophtalmo logiste contactologue de se concentrer sur l’essentiel après une lecture synthétique du dossier médical du patient. Nous sommes certains que cela contribue à améliorer le relationnel entre les professionnels du centre et le patient, lien si important en contactologie. Cette synergie d’équipe sécurise le patient, surtout lors du tout premier équipement. Le rapport avec l’opticien distributeur complète la chaîne de « sécurisation » du patient.
Quelques conseils
• Créer un agenda spécifique à la contactologie : un rendez-vous de contrôle des lentilles avant la prescription finale et un rendez-vous de première adaptation ne prennent pas le même temps pour l’orthoptiste et l’ophtalmologiste. Il est souvent nécessaire que l’orthoptiste voie le patient avant l’ophtalmologiste.
• Les manipulations sont faites au cabinet et/ou auprès d’un opticien spécialisé en contactologie.
• Mettre en place des formations en contactologie à destination des secrétaires et des orthoptistes. L’ophtalmologiste peut former lui-même en interne, mais de nombreux laboratoires proposent des formations gratuites (en ligne, sur site ou au siège) sur les différentes lentilles, leur protocole d’ adaptation, les produits d’entretiens ou les règles d’hygiène par exemple. Sans compter une meilleure prise en charge du patient, cela permet aussi de diversifier les tâches de chacun, ce qui peut être un réel levier motivationnel pour toute l’équipe.