Contrôle de la myopie avec des lentilles de contact diurnes
Les données de santé publique prédisent 50% de myopes en 2050, soit 5 milliards d’individus. Parmi ceux-ci, 10% auront une myopie supérieure à -6 D [1]. Il existe une corrélation positive entre l’amétropie et les complications médicales oculaires (décollement de rétine, glaucome, maculopathie myopique…). Dans un tel contexte, tous les moyens doivent être mobilisés pour tenter de freiner la myopie à l’âge où elle s’installe, voire avant son installation. De plus en plus d’études montrent des effets bénéfiques des lentilles de contact [2].
Informer
Notre première mission est de débusquer ces enfants qui deviendront myopes. Pour cela, l’histoire familiale est un indice de taille. Un enfant dont l’un des parents est myope aurait 3 fois plus de risques de devenir lui aussi myope, et 7 fois plus si ses deux parents le sont [3,4].
L’enfant d’origine asiatique a une tendance à développer une myopie fortement évolutive.
La cycloplégie est un élément essentiel dans le bilan de l’enfant. Si la réfraction est de +0,75 D à 6 ans, le risque de devenir myope est très significatif.
Lorsque l’enfant devient myope, il est essentiel de documenter sa longueur axiale qui nous donne déjà un aperçu de ce retentissement myopique. Elle sera surveillée annuellement si la myopie évolue de plus de -0,50 D par an.
Dans un tel contexte, nous nous devons d’informer les 2 parents du risque que représente la myopie pour leur enfant et de leur proposer alors les options possibles.
La première est l’éducation au contrôle myopique. Elle comprend l’accroissement des activités outdoor, la limitation du temps passé devant les écrans, l’augmentation de la distance pour les tâches en vision de près (VP).
Vient ensuite le contrôle des phories et de la convergence. Une exophorie ou une insuffisance de convergence doivent être rééduquées car elles accroissent l’effort en VP.
Le contrôle semestriel de l’enfant est important pour corriger l’amétropie de la façon la plus juste. Ce contrôle est fait sous cycloplégie 1 fois par an, voire plus.
Dès que la myopie apparaît, on peut proposer une freination en lentilles de contact.
Quelles options en lentilles et pourquoi ?
Le postulat est le suivant : avec une correction simple de l’amétropie, la projection de l’image se fait parfaitement sur la fovéa mais en périphérie, cette projection a lieu en arrière de la rétine. Ce défocus périphérique hypermétropique générerait la croissance de l’œil. L’objectif de toutes ces lentilles est d’avoir une projection de l’image la plus précise possible, sur la plus grande zone possible de la rétine (figure 2).
La première option, du fait de son recul et de l’expérience que nous en avons, est l’orthokératologie. Le remodelage cornéen se fait par le port d’une lentille rigide spéciale, nocturne et ultraperméable. Par le jeu de pressions positives et négatives, sans contact cornéen, cette lentille va déplacer les cellules épithéliales et modifier le profil cornéen de façon réversible. L’enfant s’affranchit alors du port de sa correction pendant la journée. Cette lentille doit être portée toutes les nuits pour un bénéfice total (1 nuit sur 2 pour des amétropies minimes). Cette option présente l’avantage de la manipulation et du port de la lentille à la maison sous le contrôle parental. Plusieurs laboratoires offrent un panel de lentilles d’orthokératologie en fonction de l’amétropie myopique et du cylindre (Menicon, Precilens, LCS…).
Il existe des limites à cette technique. Les principales sont une amétropie trop importante supérieure à -8 D et un astigmatisme interne trop important (les lentilles progressent régulièrement cependant, donc n’hésitez pas à contacter les départements techniques des laboratoires). Une autre limite à l’efficacité de la technique est l’excentricité insuffisante de la cornée, qui réduira l’effet de la lentille. Enfin, on constate parfois un inconfort majeur.
Il existe d’autres alternatives, plus récentes, en lentilles diurnes.
Lentilles souples pour contrôler la myopie
Citons, par ordre chronologique de commercialisation, la MiSight Coopervision, la MYLO Mark’ennovy et la Precilens Pre Amyopic Silicone. Leurs principes optiques diffèrent. Pour être efficaces, elles doivent être portées au minimum 6 jours par semaine, voire 7, et au moins 8 heures par jour.
Historiquement, il s’agit de la première dont nous disposons. C’est une lentille en hydrogel amélioré (même matériau que la Proclear), jetable et journalière. Elle corrige les amétropies jusqu’à -6,25 D sans correction cylindrique. Elle possède un seul diamètre et un seul rayon de courbure. Elle a obtenu en novembre 2019 la validation de la Food and Drug Administration pour le contrôle de la myopie chez l’enfant de 8 à 12 ans et elle possède le marquage CE. Des études à 3 ans, en double aveugle, montrent une freination de 52% de la myopie et de 52% de la longueur axiale (figures 4 et 5).
La MYLO Mark’ennovy est basée sur le principe EDOF (enhanced depth of focus) qui permet d’avoir un « continuum de focales », autrement dit une focale « hyperétirée » (figure 6).
Cette lentille est en silicone hydrogel, mensuelle et possède un Dk de 60. Elle permet de corriger des myopies jusqu’à -16 D. Elle s’adapte à partir de la mesure limbe à limbe et de la kératométrie moyenne pour obtenir une lentille bien centrée et donc efficace. Diamètre et rayon de courbure sont modulables, avec des abacs mis à disposition par le laboratoire. Elle est jetable mensuelle et nécessite un entretien adapté aux conjonctives de l’enfant. On préférera souvent un oxydant pour minimiser l’apparition de conjonctivites allergiques.
Enfin, en dernière intention pour corriger les amétropie extrêmes, la Pre Amyopic Silicone de Precilens. Elle existe en version torique et représente un complément à réserver aux cas complexes. Il s’agit d’une lentille trimestrielle. Elle possède un gradient de puissance positive périphérique modulable (figure 7). Les puissances disponibles vont de -0,25 à -15 D et des cylindres jusqu’à 6 D par pas de 0,5 D.
À venir, la solution de Menicon, les lentilles Bloom Day attendues pour la fin de l’année 2020, jetables journalières en hydrogel.
Toutes ces solutions présentent malheureusement un coût aditionnel pour les parents et ne sont, à ce jour, pas remboursables par la Sécurité sociale. Les budgets varient de 350 à 700 euros annuels en moyenne. Cette adaptation, pour être pertinente, doit être envisagée dans la durée. On envisage ces équipements jusqu’à l’âge de 20 ans si possible, et parfois certains poursuivent en orthokératologie !
Conclusion
Quelle que soit la solution proposée, il est important d’avoir informé les 2 parents sur les risques et les contraintes d’entretien associées et d’avoir obtenu leur accord. L’enfant doit être soigneux et souvent, ils le sont s’ils sont motivés. Mais il faut parfois sélectionner le timing optimal pour déployer ces adaptations. L’enfant et la famille informés précocement se prépareront à cette éventualité.
Et parfois cet équipement pourra être combiné à un traitement local par atropine, des verres correcteurs défocalisants…, afin de maximiser le pouvoir freinateur sur la myopie de l’enfant. L’avenir nous permettra certainement d’affiner les propositions faites aux familles.
Références bibliographiques
[1] Huang J,Wen D, Wong Q et al. Efficacicity comparaison of 16 interventions for myopia controle in children. Ophtalmology. 2016;123(4): 697-708.
[2] Holden BA, Fricke TR, Wilson DA et al. Global prevalence of myopia and high myopia and temporal trends from 2000 through 2050. Ophthalmology. 2016;123(5):1036-42.
[3] McCullough S, Saunders K. Childhood myopia in the 21st century. Optometry Today. 2016:69-741.
[4] Jones-Jordan LA, Sinnott LT, Manny RE et al. Early childhood refractive error and parental history of myopia as predictors of myopia. Invest Ophthalmol Vis Sci. 2010;51(1):115-21.