Congrès SAFIR 2020
La SAFIR 2020 a été le lieu de conférences-débats sur différents sujets d’actualité.
Chirurgie de la cataracte topique sans anesthésiste
Le Dr Dan Lebuisson est partisan de la chirurgie sans anesthésiste. Il a d’abord rappelé la réglementation administrative, en date de 1994, qui rend indispensable la présence d’un anesthésiste sur place pour une anesthésie régionale ou générale. Cette règlementation ne concerne pas l’anesthésie topique. Devant l’augmentation constante du nombre d’actes, des coûts et les progrès techniques, la Haute Autorité de santé (HAS) a demandé un nouvel état des lieux à ce sujet. Les arguments en faveur d’une chirurgie sans anesthésiste sont son caractère sûr et innovant, avec des patients filtrés au cours de la consultation précédant la chirurgie et un opérateur demandeur. Il rappelle également que les médicaments anesthésiques utilisés ont une action délimitée géographiquement, chronologiquement et quantitativement.
Le rapport 2020 de la HAS, qui découle de cet état des lieux, recommande la réalisation d’une consultation d’anesthésie préopératoire et la présence d’un médecin anesthésiste-réanimateur sur site durant la phase peropératoire, pour un maximum de 5 patients opérés sous anesthésie topique et sans sédation. Selon le Dr Lebuisson, ce rapport semble inapplicable.
Le Dr Pascal Rozot a, lui, argumenté pour la nécessité d’un anesthésiste sur place. D’après lui, cela permet un monitoring peropératoire, l’anesthésiste pouvant également intervenir si un événement médical imprévu survient. Il s’est également interrogé sur la responsabilité médico-légale face à un événement grave peropératoire sans monitoring.
Il a rappelé que l’anesthésie topique requérait une bonne coopération des patients. De plus, l’anesthésie topique ou intracamérulaire peut faire face à des patients non-répondeurs. Ceux-ci peuvent alors nécessiter une sédation, sous la gestion du médecin anesthésiste. Cette sédation peut également être utile pour la gestion d’une complication chirurgicale. Selon le Dr Rozot, plusieurs cas de figure peuvent se présenter en pratique : le patient standard, pour lequel la topique pure peut suffire ; le patient âgé, nécessitant une surveillance peropératoire ; et le patient anxieux ou cas difficile, pour lequel une prémédication semble essentielle.
La prise en charge de l’anesthésiste va dépendre du recrutement du chirurgien et c’est à lui de demander une consultation d’anesthésie préopératoire dans les cas requérant un encadrement.
Quelques questions restent en suspens : les cas standards nécessitent-ils une prémédication ? Sans anesthésiste, que faire si une complication peropératoire survient ? Quelle va être la rémunération de l’anesthésiste s’il n’a pas à intervenir ?
Chirurgie bilatérale de la cataracte le même jour
Le Dr Alain Saad a défendu cette pratique. Selon lui, le bénéfice est important en terme de qualité de vie pour le patient, avec une plus grande satisfaction. Cette méthode permet une réhabilitation visuelle plus rapide, il y a moins de risques si on opte pour une anesthésie générale, il n’y a pas d’anisométropie postopératoire et cela permet une réduction significative du coût de la santé.
Cette chirurgie n’est réalisable que sur des yeux standards, avec une équipe chirurgicale expérimentée. Les 2 chirurgies doivent être totalement indépendantes (matériel, lot d’implant…).
Les études montrent qu’il n’y a pas de différence de résultat réfractif avec une chirurgie bilatérale le même jour ou une chirurgie séquentielle.
Le Dr Saad a rappelé que l’endophtalmie bilatérale était exceptionnelle, avec un risque théorique de 0,000016%.
Le Pr Dominique Monnet est opposé à la chirurgie bilatérale le même jour. Selon lui, le risque d’endophtalmie bilatérale est inacceptable pour le praticien, avec un risque qui devient non indépendant entre les deux yeux.
La chirurgie bilatérale est source de contrainte organisationnelle, par exemple concernant les changements de lot du matériel opératoire entre les 2 yeux. La convalescence postopératoire peut s’avérer délicate, notamment dans le cas d’un œdème cornéen bilatéral, et l’observance thérapeutique des traitements peut être réduite. Le délai entre les 2 chirurgies est utile pour l’ajustement réfractif et permet de mener une enquête s’il y a complication. Sur le plan économique, le Pr Monnet s’est questionné sur la prise en charge d’une intervention le même jour.
Retour à la surface en chirurgie réfractive
Le Pr Alexandre Denoyer a défendu les interventions de surface. Selon lui, la PKR (photokératectomie réfractive) respecte la biomécanique cornéenne ainsi que son innervation et permet de limiter la sécheresse postopératoire.
Les résultats réfractifs sont similaires sur les profils d’ablation myopiques. Les hazes postopératoires avec retentissements cliniques ne se voient plus grâce à l’utilisation de la mitomycine, contrairement aux complications des capots de LASIK (Laser assisted in situ keratomileusis). L’ectasie post-PKR est beaucoup plus rare que celle du LASIK.
La PKR transépithéliale se développe avec une chirurgie 100% sans contact, une moindre douleur postopératoire et des résultats similaires à ceux de la PKR classique.
Le Pr Béatrice Cochener s’est, pour sa part, prononcée pour les traitements en profondeur. Ces techniques permettent une récupération plus rapide tant sur le plan de la douleur que sur celui de l’acuité visuelle. Selon elle, le haze postopératoire peut laisser une cicatrice permanente, de traitement difficile, et parfois responsable d’une baisse d’acuité visuelle.
Le LASIK est plus prédictible sur les profils d’ablation hypermétropique et sur l’astigmatisme. Il permet également une modulation du facteur Q dans le cadre du PresbyLASIK.
Les complications relatives à la découpe du capot et à la cicatrisation sont maintenant bien connues, elles sont devenues exceptionnelles et bien gérées en postopératoire.
Le SMILE permet un moindre impact sur la biomécanique cornéenne et offre un meilleur respect de la surface oculaire que le LASIK.
En conclusion, le choix de la technique chirurgicale doit être raisonné et fondé sur la cornée du patient, sa demande, les habitudes du chirurgien et la plateforme dont il dispose.
Masterclass junior SAFIR-ANJO
La SAFIR 2020 a fait l’objet d’une conférence à destination des jeunes chirurgiens avec trois situations pouvant poser un problème en pratique courante.
Implants phaques
Aurore Chauvin et le Dr Liem Trinh ont présenté la chirurgie de l’implant phaque dans l’arsenal thérapeutique de la chirurgie réfractive. Il s’agit d’une chirurgie additive, avec mise en place d’une lentille intraoculaire précristallinienne qui constitue une alternative à la chirurgie soustractive au laser.
Les avantages par rapport à une chirurgie laser cornéenne sont une meilleure qualité de vision et une meilleure vision nocturne grâce à une zone optique plus large.
Elle est indiquée pour l’adulte de plus de 21 ans avec une réfraction stable de plus de 1 an et présentant une contre-indication à la chirurgie réfractive au laser. Sur le plan anatomique, la distance endothélium-cristallin doit être supérieure à 3 mm, l’angle iridocornéen supérieur à 30°, et le comptage endothélial suffisant selon l’âge (supérieur à 2 500 cellules/mm² à 21 ans).
Le bilan préopératoire doit comprendre une topographie cornéenne, une pachymétrie, une biométrie, une microscopie spéculaire et un OCT de segment antérieur.
Les résultats réfractifs de cette chirurgie sont excellents. Les complications sont la cataracte, une perte endothéliale, une dispersion pigmentaire, une fermeture de l’angle et un bloc pupillaire.
La surveillance postopératoire se fait avec l’OCT de segment antérieur pour la mesure du Vault (distance entre la face antérieure du cristallin et la face postérieure de l’implant) et la microscopie spéculaire annuelle.
Pour conclure, l’implant phaque fait partie de l’arsenal thérapeutique de la chirurgie réfractive, en respectant les contre-indications et avec une surveillance annuelle postopératoire.
Chirurgie de la cataracte à travers une petite pupille
Kanav Khanna et le Dr Thierry Amzallag ont évoqué la chirurgie à travers une petite pupille. Il faut, en préopératoire, faire preuve d’anticipation et rechercher les facteurs de risque d’une mauvaise dilatation : sur le plan général la prise d’alphabloquants et le diabète ; au niveau local, un antécédent d’uvéite, une pseudo-exfoliation capsulaire, un antécédent de traumatisme ou de crise aiguë de fermeture de l’angle.
Pendant la chirurgie, un arsenal thérapeutique permet d’induire une mydriase, avec l’aide d’agents pharmacologiques tels les collyres mydriatiques, l’insert (mydriasert®), le mydrane® ou des outils mécaniques comme le visqueux, la réalisation d’étirements iriens, les crochets à iris ou encore l’anneau de Malyugin. L’adrénaline 1% avec du BSS peut également être utilisée pour maintenir une mydriase en peropératoire.
Deux situations particulières sont à connaître et peuvent mener à une limitation de la dilatation pupillaire : le syndrome de l’iris flasque, dont la principale cause est l’utilisation d’alphabloquants, qui est responsable de changements histologiques définitifs, et ce même en cas de prise de traitement de courte durée ; et la présence de synéchies iridocristalliniennes, qui peuvent être levées avec une viscodissection, une hydrodissection ou une section mécanique. La mydriase peut ensuite être obtenue via les moyens de dilatation mécaniques cités précédemment.
En conclusion, l’anticipation est de mise chez ces patients, avec un arsenal thérapeutique à disposition du chirurgien qui a totalement modifié le pronostic de ces chirurgies délicates.
Le LASIK chez un patient hypermétrope
Mélissa Santorini et le Pr Alexandre Denoyer ont abordé le sujet du LASIK chez le patient hypermétrope. Cette chirurgie réfractive concerne 2 types de patients : l’adulte jeune hypermétrope depuis l’enfance ou le patient hypermétrope lors de l’installation de la presbytie. Cette chirurgie comprend différentes particularités techniques : d’une part, le profil d’ablation a pour but de créer un sillon périphérique sous le capot pour augmenter la courbure cornéenne ; d’autre part, la zone d’action du laser est plus étendue, avec un volume de tissu cornéen ablaté plus important comparativement à la chirurgie myopique. De plus, le centrage est essentiel chez ces patients, d’où la nécessité d’un eyetracking performant et une bonne coopération des patients. Enfin, le capot peut être réalisé plus épais que lors d’une chirurgie myopique afin de diminuer les risques de complications postopératoires.
L’hypermétrope a des particularités anatomiques et optiques à connaître avant l’intervention : une kératométrie plus faible, une pachymétrie plus importante et un angle kappa plus important. Il faut penser, chez ces patients, à centrer le traitement sur l’axe optique si l’angle kappa est élevé.
Les résultats opératoires sont meilleurs dans le cas d’une hypermétropie faible ou moyenne, avec une amélioration visuelle rapide tout d’abord de près, puis de loin. Cela est dû à une surcorrection initiale afin d’anticiper la régression possible du traitement.
Le patient hypermétrope et presbyte représente le patient idéal pour cette chirurgie, avec la possibilité de réaliser un profil d’ablation multifocal.
Les risques de la chirurgie sont les plis du capot, la régression, les halos et les aberrations optiques postopératoires. Il faut également penser à informer le patient du risque de retouche chirurgicale et bien évaluer la sécheresse en pré- et postopératoire.
Les alternatives au LASIK sont la PKR, avec plus de régression, et la trans-PKR. Au final, le LASIK est la technique de choix pour corriger l’hypermétropie, avec des particularités à maîtriser. D’autres techniques sont en cours d’évaluation et deviendront peut-être, dans le futur, la chirurgie de référence.