Cicatrices ptérygoïdes et nodules de Salzmann
Ce cas clinique rapporte l’histoire d’une femme de 41 ans ayant pour seul antécédent une allergie au pollen. Elle a consulté son ophtalmologiste traitant pour un prurit, une rougeur et des sensations de picotements bilatérales évoluant depuis une quinzaine d’années.

À l’examen clinique, l’acuité visuelle est de 10/10 avec +0,50 (-0,50 x 80°) add +1,75 P2 à l’œil droit, et de 10/10 avec +0,50 (-1 x 160°) add +1,75 P2 à l’œil gauche.
L’examen à la lampe à fente retrouve une dégénérescence nodulaire de Salzmann très périphérique, associée à des cicatrices ptérygoïdes bilatérales. Le tableau est évocateur de séquelles d’ulcères marginaux bilatéraux.
Le bilan biologique ne montre pas de syndrome inflammatoire. La recherche d’anticorps anticytoplasme des polynucléaires, de facteurs rhumatoïdes et d’anticorps antinucléaires est négative.
Un traitement par ciclosporine 2% en collyre et fluorométholone est alors instauré, permettant la stabilisation des lésions.
Discussion
Une cicatrice ptérygoïde correspond à une prolifération fibro-conjonctivale adhérant à une zone de cornée endommagée. Elle se constitue en réponse à un épisode inflammatoire aigu, comme une brûlure chimique, un ulcère cornéen (surtout si marginal), un traumatisme ou une conjonctivite fibrosante. Elle a également été rapportée dans la dégénérescence marginale de Terrien. Sa localisation peut se faire sur toute la périphérie du limbe.
À̀ la différence du ptérygion, elle n’évolue pas et reste stationnaire, ne présentant donc ni zone progressive, ni îlot de Fuchs. Sa constitution est rapide, limitée dans le temps et l’espace comme tout processus de réparation et de cicatrisation.
Le limbe est fonctionnellement important puisqu’il contient, au niveau de sa couche basale, les cellules souches qui vont donner naissance à̀ l’épithélium cornéen.
Le déficit en cellules souches limbiques entraîne une incapacité de l’épithélium cornéen à se régénérer et un envahissement progressif de la surface cornéenne par un épithélium de type conjonctival, caractérisé́ par la présence de cellules caliciformes au sein de l’épithélium limbique et cornéen.
La conception étiopathogénique actuelle du ptérygion et des cicatrices ptérygoïdes les classe dans le cadre des pa thologies liées à un déficit acquis, localisé et progressif en cellules souches limbiques.
Les diagnostics différentiels à évoquer sont le pannus hypertrophique, le pemphigus, le kyste dermoïde du limbe, la pinguécula.
La dégénérescence nodulaire de Salzmann correspond à des nodules sous-épithéliaux, saillants, opalescents, disposés en couronne autour du centre de la cornée. Elle se constitue souvent sur une cornée cicatricielle ou après une inflammation chronique mais semble parfois idiopathique, voire génétique. En histologie, on observe des plaques denses de collagène situées entre l’épithélium et la couche de Bowman avec des dépôts hyalins, des anomalies de la membrane basale épithéliale, de la couche de Bowman et de l’épithélium.
Sur le plan thérapeutique, une kératectomie superficielle avec ou sans mitomycine ou une photokératectomie thérapeutique sont indiquées quand la lésion touche l’axe visuel, voire une kératoplastie lamellaire antérieure ou transfixiante. Des récurrences sont possibles après la greffe.
Concernant la prise en charge de la cicatrice ptérygoïde, la kératectomie superficielle est également indiquée et est associée en règle générale à une greffe de membrane amniotique pour aider à la cicatrisation.
En conclusion, les cicatrices ptérygoïdes et la dégénéres cence nodulaire de Salzmann observées chez cette patiente sont probablement secondaires à une inflammation chronique de la surface oculaire.