Bilan et diagnostic différentiels d’une DMLA atrophique : ne pas passer à côté d’une autre maladie
L’atrophie maculaire n’est pas spécifique à la DMLA. La plupart des pathologies choriorétiniennes peuvent donner un tableau clinique d’atrophie maculaire. Même si la présence de drusen et/ou de pseudodrusen en dehors de la plage d’atrophie est très évocatrice d’une DMLA, il n’existe pas, à l’heure actuelle, de signe clinique pathognomonique diagnostique. Une imagerie multimodale (rétinophotographie, autofluorescence, angiographie à la fluorescéine et au vert d’indocyanine ainsi que la tomographie en cohérence optique OCT et l’angiographie-OCT) est indiquée pour établir le diagnostic.
L’histoire clinique – en particulier l’âge du patient et celui de l’apparition des symptômes (héméralopie), les antécédents familiaux et la prise de médicaments – sont des éléments très importants dans la démarche diagnostique.
Le diagnostic de DMLA atrophique étant un diagnostic d’élimination, il faut rechercher les causes traumatiques (rupture de la membrane de Bruch) et phototraumatiques (dues aux éclipses ou aux pointers laser).
Certains tableaux cliniques peuvent faire évoquer des pathologies infectieuses ou inflammatoires, notamment la choriorétinite toxoplasmique, la rétinite syphilique ou encore la choroïde ponctuée interne, la maladie de Vogt-Koyanagi-Harada et, enfin, les dystrophies rares telle la maladie de Bietti. Certaines pathologies systémiques peuvent s’associer à une atrophie maculaire, comme dans le cas de la maternally inherited diabetes and deafness qui est associée à une surdité et un diabète.
Imagerie multimodale
Rétinophotographie
La rétinophotographie est un examen fondamental pour le diagnostic d’une atrophie maculaire, car il nous permet de mettre en évidence l’ensemble des altérations de l’épithélium pigmentaire, la forme, les bords et la localisation de l’atrophie.
Actuellement plusieurs rétinographies dites « grand champ » ou « ultra grand champ » sont disponibles sur le marché. L’intérêt de ce type d’imagerie repose sur la possibilité de visualisation de lésions en dehors des arcades et plus en périphérie. La rétinophotographie seule reste néanmoins insuffisante pour évaluer l’extension de l’atrophie et la progression dans le temps. L’acquisition des images nécessite la collaboration du patient, et la qualité peut être altérée par l’opacité des milieux.
Angiographie à la fluorescéine et au vert d’indocyanine
L’angiographie à la fluorescéine et au vert d’indocyanine est indiquée lorsqu’on suspecte une néovascularisation choroïdienne pouvant être associée à certains cas d’atrophie maculaire en dehors de la DMLA ; c’est par exemple le cas des néovaisseaux associés à la choriorétinite toxoplasmique.
En général, la plage d’atrophie devient hyperfluorescente par « effet fenêtre » dès le début de la séquence angiographique et la fluorescence reste stable dans le temps. En vert d’indocyanine, les gros vaisseaux choroïdiens sont visibles.
La « dark atrophy » est un phénomène décrit récemment. Il s’agit d’une hypofluorescence au temps tardif de l’angiographie au vert d’indocyanine, caractéristique de la maladie de Stargardt [1]. On l’observe aussi, mais de façon moins fréquente, dans le cadre d’une DMLA atrophique et dans l’atrophie aréolaire centrale [2].
Autofluorescence du fond d’œil
L’autofluorescence du fond d’œil est un outil incontournable pour établir le diagnostic d’une atrophie maculaire. L’épithélium pigmentaire (EP), lorsqu’il est excité par une lumière (bleue, verte), répond en émettant sa propre fluorescence physiologique. On observe, en cas de souffrance de l’EP, une augmentation de la fluorescence (hyper-autofluorescence) et, en cas de dommage sévère de l’EP, une perte de la fluorescence (hypo-autofluorescence).
La distribution, l’aspect et les autres caractéristiques du halo hyper-autofluorescent (comme les caractéristiques de la/des zone(s) d’hypo-autofluorescence) sont cruciaux pour le diagnostic.
Tomographie en cohérence optique
La tomographie en cohérence optique (OCT) est l’examen le plus disponible et le plus complet pour le diagnostic et le suivi de la DMLA exsudative. Il est aussi très utile dans le diagnostic et le suivi des atrophies maculaires. En général, une plage d’atrophie est caractérisée par la présence d’un amincissement de l’ensemble des couches de la rétine. Dans ce cas, l’impulsion optique à la base du fonctionnement de l’OCT arrive à pénétrer en profondeur, et les vaisseaux choroïdiens sont aussitôt visibles.
Angiographie par tomographie en cohérence optique
L’intérêt de l’angiographie par tomographie en cohérence optique (OCT-A) est surtout dû à sa capacité de détecter des néovaisseaux sans injection de colorant.
Électrophysiologie
L’électrophysiologie est un examen crucial pour le diagnostic différentiel d’une atrophie maculaire dans tous les cas où l’atrophie n’est pas associée à des dépôts hyper-autofluorescents.
Dans ce cas, le diagnostic différentiel se pose entre une dystrophie de cônes ou une dystrophie mixte avec une atteinte prédominante des cônes (cone-rod dystrophy). Ces pathologies ne seront pas abordées dans ce chapitre. En général, il s’agit de maladie rares nécessitant une prise en charge multidisciplinaire (genetic counseling, psychologue) dans le cadre d’un centre de références.
Diagnostic différentiel
Le tableau clinique d’une atrophie maculaire peut être très hétérogène. Parfois le diagnostic peut apparaître comme un « challenge » diagnostique. Classiquement, le diagnostic différentiel se pose avec la maladie de Stargardt, la dystrophie réticulée (pattern dystrophy) et la dystrophie pseudovitelliforme. L’analyse de l’imagerie multimodale (autofluorescence, OCT-SD, angiographie à la fluorescéine et au vert d’indocyanine) permettra souvent d’obtenir un diagnostic précis, fondamental pour une prise en charge optimale. En effet, les conseils à apporter ainsi que les informations sur le pronostic sont très variables entre ces différentes pathologies (vitesse de progression de l’atrophie, pourcentage de complication, possibilité d’un conseil génétique...).
La maladie de Stargardt
La maladie de Stargardt a été décrite pour la première fois par Karl Stargardt en 1909 [3]. Il s’agit d’une maculopathie liée, dans la plupart des cas, à des mutations du gène ABCA4 qui code pour une protéine localisée dans les disques des segments externes des photorécepteurs. Un dysfonctionnement provoque l’accumulation d’un matériel toxique pour l’EP qui entraîne une apoptose de celui-ci et la mort secondaire des photorécepteurs.
À la rétinophographie, on observe les taches pisciformes en dehors de l’atrophie. En autofluorescence, la maladie de Stargardt est caractérisée par la présence d’une hypo-autofluorescence homogène, fréquemment associée à une épargne fovéolaire. Classiquement la zone perpapillaire est épargnée par la maladie (figure 1).
L’angiographie à la fluorescéine peut montrer un silence choroïdien [4] alors que l’angiographie au vert d’indocyanine met en évidence une « dark atrophy » au temps tardif [1].
Dystrophie réticulée
En autofluorescence, ainsi qu’en cliché monochromatique en lumière bleue, l’aspect « réticulé » est très évocateur de cette maladie (figure 2), affecté par une vitesse de progression de l’atrophie inférieure à celle de la DMLA atrophique [5] et le taux de complication néovasculaire qui est aussi inférieur (même si les métamorphopsies sont fréquentes).
Dystrophie pseudovitelliforme
Dans son stade atrophique, la dystrophie pseudovitelliforme (figure 3) montre une plage d’atrophie ronde, symétrique, entourée par un bord hyperréflectif. La choroïde est plus épaisse que dans le cas d’une DMLA atrophique. La plage d’atrophie ne s’étend pas au fil du temps.
Traitement
À la date de l’écriture de ce chapitre (novembre 2018), aucun médicament n’était disponible pour le traitement des atrophies maculaires (y compris la DMLA atrophique).
Une prise en charge de type « basse vision » (l’un des domaines d’action de l’orthoptiste) aidera le patient présentant une déficience visuelle à s’y adapter afin de pouvoir réaliser les tâches de la vie quotidienne.
Depuis quelques années, des équipes internationales de chercheurs ont mis en évidence l’existence de plusieurs cibles thérapeutiques potentielles pour ralentir la progression de la maladie de Stargardt. En l’état actuel, les voies plus prometteuses sont représentées par le contrôle de l’inflammation, en particulier sur la voie du complément.
Une étude interventionnelle de phase IIB, randomisée, en double insu, contrôlée vs placebo est en phase de recrutement dans plusieurs centres.
Le zumira est une molécule anti-inflammatoire injectée mensuellement par voie intravitréenne. Il s’agit d’un inhibiteur sélectif de la voie du complément (C5) (figure 4) [6]. En espérant pouvoir écrire prochainement le chapitre sur le traitement de la maladie de Stargardt…
Références bibliographiques
[1] Giani A, Pellegrini M, Carini E et al. The dark atrophy with indocyanine green angiography in Stargardt disease. Invest Ophthalmol Vis Sci. 2012;53(7):3999-4004.
[2] Guigui B, Semoun O, Querques G et al. Indocyanine green angiography features of central areolar choroidal dystrophy. Retin Cases Brief Rep. 2009;3(4):434-7.
[3] Stargardt K. Überfamiliäre progressive Degeneration in der Makulagegend des Auges. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol. 1909;71:543-50.
[4] Meunier I. Hérédodégénérescences rétiniennes. In: Cohen SY, Gaudric A, eds. Rétine. Paris : Lavoisier, 2013:vol.2.
[5] Pallado CM, Sikorav A, Semoun O et al. Progression of macular atrophy in patter dystrophies. Ophthalmic Surg Lasers Imaging Retina. 2016;47(7):652-8.
[6] ClinicalTrials.gov