Apport de l’intelligence artificielle pour le diagnostic et la classification des atrophies maculaires

L’imagerie est une pierre angulaire de la prise en charge des pathologies rétiniennes. Cependant, la quantité d’informations collectées est énorme, de nombreuses structures ont une pertinence inconnue et d’autres restent à découvrir. L’intelligence artificielle (IA) est une approche prometteuse dans ce contexte. Au cours des dernières années, les modèles d’apprentissage en profondeur (deep learning, DL) ont montré leur efficacité dans les spécialités centrées sur l’image, telle l’ophtalmologie.
L’application des modèles DL en ophtalmologie s’est concentrée énormément sur la photographie couleur du fond d’œil (CFP) pour détecter les maladies menaçant la vue telles que la rétinopathie diabétique (RD) ou la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA). Récemment, différents modèles de DL sont apparus en utilisant des images de tomographie par cohérence optique (OCT) ou même des images d’angiographie OCT (OCT-A), se concentrant sur la rétinopathie diabétique ou la DMLA sèche.
Atrophie géographique et maladies rétiniennes héréditaires
L’atrophie représente une manifestation courante à un stade avancé de diverses maladies rétiniennes, comme la forme atrophique de la DMLA, également appelée atrophie géographique (AG), ou bien les maladies rétiniennes héréditaires (inherited retinal diseases, IRD). Parmi les IRD se compliquant au stade tardif d’une atrophie rétinienne, on note la maladie de Stargardt (STGD1), la maladie de Best (BD) ou bien le pseudo-Stargardt associé au gène PRPH2 (PSPD). À ces maladies s’ajoutent bien sûr les différentes toxicités rétiniennes – telles que le ritonavir, le polysulfate de pentosan sodique, l’hydroxychloroquine, pour n’en citer que quelques-unes – et les maladies inflammatoires qui peuvent, dans les stades évolués, engendrer une atrophie maculaire (figure 1). Ces maladies ont, évidemment, des pronostics très différents, d’où l’intérêt d’un diagnostic correct.
Récemment, Treder et al. se sont concentrés sur l’imagerie en autofluorescence (fundus autofluorescence, FAF) pour distinguer l’AG d’autres maladies rétiniennes en utilisant un modèle de DL. Malgré le fait qu’une nouvelle classification de l’AG utilisant l’OCT ait été récemment introduite, l’imagerie FAF reste l’une des principales techniques de diagnostic et de suivi de l’AG dans la pratique et les essais cliniques. Les auteurs ont placé l’AG dans une classe et différentes pathologies rétiniennes telles que la DMLA exsudative, la dystrophie vitelliforme fovéomaculaire de l’adulte, la choriorétinopathie séreuse centrale et les membranes épirétiniennes dans une seconde classe. Leur modèle a obtenu une justesse sur le dataset de validation de 91% pour la distinction d’une AG vs d’autres maladies rétiniennes, et de 96% pour la distinction entre une AG et un œil sain en autofluorescence.
Notre groupe s’est récemment concentré sur la distinction, par un modèle de DL, entre l’AG et les atrophies de cause génétique, notamment dans le cadre d’une maladie de Stargardt ou d’un pseudo-Stargardt, sur des clichés d’autofluorescence. Plusieurs IRD phénocopient l’AG et un diagnostic précis étant difficile en se fondant uniquement sur l’apparence du fond d’œil, nous avons utilisé un modèle d’apprentissage en profondeur appliqué à l’imagerie FAF pour déterminer si un classificateur d’apprentissage en profondeur préentraîné pouvait aider à distinguer l’AG de l’atrophie secondaire à STGD1 et PSPD. Dans notre étude, nous avons utilisé un ResNet101 préentraîné pour effectuer la tâche de classification. La meilleure performance du modèle était de 92,1% de justesse, avec une aire sous la courbe ROC (AUC-ROC) de 98,1% pour la distinction entre les atrophies de cause dégénérative et celles d’origine génétique. Dans un essai pour améliorer la fiabilité du modèle, nous avons utilisé par la suite une seconde approche, la validation croisée, afin de limiter le surapprentissage du modèle et d’évaluer la robustesse et la répétabilité du classificateur, obtenant une justesse de classification moyenne de 79,2% et une AUC-ROC de 93,71% (figure 2). Nos résultats montrent qu’en utilisant uniquement des images FAF, un classificateur d’apprentissage en profondeur préentraîné peut distinguer avec précision les 2 étiologies de l’atrophie avec une bonne précision et des valeurs AUC-ROC élevées.
D’autres études techniques récentes ont visé à détecter et à classer l’atrophie dans la DMLA atrophique par rapport à la maladie de Stargardt au stade atrophique sur des images FAF, en utilisant des réseaux résiduels pour la tâche de classification et U-Net pour celle de segmentation. Leurs résultats montrent une justesse de dépistage de 98% pour l’AG et de 95% pour la maladie de Stargardt au stade atrophique.
D’autres utilisations potentielles de l’apprentissage en profondeur comprennent non seulement le diagnostic différentiel de l’atrophie, mais également le diagnostic de l’atrophie géographique en OCT, éventuellement aidé par l’identification concomitante des drusen et d’autres structures, comme le signe de la double couche (double layer sign) – une séparation plate et irrégulière de l’EPR de la membrane de Bruch, qui pourrait abriter une néovascularisation choroïdienne de type 1 –, les drusen régressifs calcifiés ou les foci hyperréflectifs. Avec des résultats prometteurs pour les nouvelles thérapies dans l’atrophie géographique dans les essais cliniques, l’apprentissage en profondeur peut être utilisé pour identifier des caractéristiques et d’autres biomarqueurs pertinents liés à la progression et à la réponse au traitement.
Comme les modalités d’imagerie génèrent une énorme quantité de données volumétriques pour chaque patient, l’intelligence artificielle peut être vue comme un « coéquipier » du clinicien, en examinant des volumes de données qui appartiennent sans ambiguïté à des classes de maladies spécifiques.
Référence bibliographique
[1] Miere A, Capuano V, Kessler A et al. Deep learning-based classification of retinal atrophy using fundus autofluorescence imaging. Comput Biol Med. 2021.130:104198.
Pour en savoir plus
Treder M, Lauermann JL, Eter N. Deep learning-based detection and classification of geographic atrophy using a deep convolutional neural network classifier. Graefes Arch Clin Exp Ophthalmol. 2018; 256(11):2053-60.
Wang Z, Sadda SR, Hu Z. Deep learning for automated screening and semantic segmentation of age-related and juvenile atrophic macular degeneration. Proceedings Volume 10950, Medical Imaging 2019: Computer-Aided Diagnosis; 109501Q (2019).