L’inflammation oculaire est un domaine qui a bénéficié de nombreuses évolutions sur les plans diagnostiques et thérapeutiques. Dans le cadre du 128e congrès international de la SFO, il apparaît intéressant de rappeler les dernières avancées dans ce domaine.

Les uvéites dans le contexte de la pandémie de Covid-19
(session Rapid-Fire Covid et uvéites)
Les uvéites regroupent l’ensemble, très hétérogène, des inflammations intraoculaires. Si plus d’une soixantaine de pathologies ont déjà été identifiées, d’autres entités ont été décrites plus récemment.
Le Pr Carl Arndt nous a rappelé que la pandémie liée au Covid-19 avait profondément modifié l’organisation des urgences ophtalmologiques, avec une division par 3 des consultations liées à des conjonctivites par exemple.
Cette pandémie a également provoqué de nombreuses manifestations inflammatoires, depuis des cas de conjonctivites fibrosantes et d’occlusions veineuses rétiniennes, comme l’a rapporté le Dr Ahmed Zayani, jusqu’à des cas de choroïdites plus sévères liées à l’atteinte microcirculatoire, telles celles exposées par le Dr Youssef Abdelmassih. Il s’agit d’atteintes pouvant ressembler à des hémangiomes choroïdiens mais sans altérations de l’épithélium pigmentaire ni wash-out tardif en ICG.

Épidémiologie et classification
La prévalence des uvéites varie entre 35 et 770 cas pour 100 000 habitants selon les régions étudiées, mais elles constituent surtout la troisième cause de cécité dans le monde. Les dernières recommandations de l’équipe de travail du SUN (Standardization of Uveitis Nomenclature) ont rappelé l’importance de la classification anatomique des uvéites selon le site primitif de l’inflammation (uvéite antérieure, intermédiaire et postérieure).

Prise en charge diagnostique clinique et examens complémentaires
Le diagnostic des uvéites repose avant tout sur un interrogatoire associé à un examen ophtalmologique précis. Les vaccinations récentes sont particulièrement importantes à rechercher.
Le Dr Sarah Touhami a en effet détaillé durant la session Hot Topics le panorama des inflammations oculaires rapportées avec vaccination contre le Covid-19. Ces effets indésirables restent très rares, estimés à moins d’un cas d’uvéite pour 1 million de dose administrées, réaffirmant le rapport bénéfice-risque en faveur de la vaccination.
L’examen en lampe à fente et l’imagerie recherchent également les signes de gravité.
Le Dr Paul Goupillou a présenté les résultats d’une étude rétrospective de 34 patients, dans laquelle la présence d’un œdème papillaire au fond d’œil initial d’un patient souffrant d’une choroïdopathie de Birdshot était un facteur pronostique de recours à une biothérapie, comme les travaux du Dr Touhami avaient montré qu’une atteinte précoce était associée à un mauvais pronostic visuel. Il est donc capital de rechercher précocement des signes de gravité dans cette pathologie potentiellement sévère.
Le Dr Seyda Theveny a également montré que les vascularites rétiniennes dans les uvéites postérieures virales étaient associées à des charges virales plus élevées, suggérant l’importance du bilan angiographique initial à visée pronostique chez ces patients.
Dans la session du Club d’inflammation oculaire (CIO), le Pr Julie Gueudry, après avoir rappelé les différents types d’œdèmes inflammatoires (du simple épaississement périfovéal jusqu’à l’œdème maculaire cystoïde et le décollement séreux rétinien), a expliqué que si toutes les uvéites pouvaient se compliquer d’un œdème, les plus importantes à garder en tête par leur fréquence et leur gravité restaient la choroïdopathie de Birdshot, la sarcoïdose et la maladie de Behçet. Il convient d’éliminer une cause infectieuse dans les atteintes unilatérales. Les causes iatrogènes peuvent aussi provoquer des œdèmes maculaires. En effet, des uvéites postérieures et des panuvéites VKH-like associées aux immunothérapies utilisées dans le traitement de mélanomes cutanés métastatiques ont été signalées.
L’imagerie grand champ a également ouvert de nouvelles perspectives de recherche, en particulier dans l’étude de l’ischémie induite par les vascularites inflammatoires systémiques, comme l’a révélé le Dr Zoé Dobbels avec son poster sur l’épaisseur rétinienne de patients souffrant d’une artérite de Takayasu.

Prise en charge thérapeutique
Les traitements des uvéites ont beaucoup évolué avec l’apparition de nouveaux traitements. Le Pr Michel Weber a rappelé, lors de la session du CIO, que le choix du traitement dépendait de l’étiologie de l’uvéite, du retentissement fonctionnel, de l’atteinte systémique associée et du type d’œdème maculaire présent. Tout l’enjeu réside dans un traitement précoce afin de limiter les séquelles fonctionnelles. Dans les atteintes inflammatoires de la sarcoïdose ou des uvéites idiopathiques, le traitement par corticothérapie reste utilisé en première ligne et dans les cas de corticodépendance ou de corticorésistance, les traitements immunosuppresseurs et les biothérapies viennent en deuxième ligne.
Dans sa communication dans le cadre du symposium IHU-FOReSIGHT sur la médecine personnalisée, le Pr Bahram Bodaghi a rappelé l’étendue des biothérapies aujourd’hui disponibles. Les enfants souffrant d’une arthrite juvénile idiopathique bénéficient de traitements par anti-TNF-alpha précoces, qui ont grandement amélioré le pronostic visuel (études ADJUVITE et SYCAMORE). Certaines pathologies particulièrement sévères, telle la maladie de Behçet, justifient l’introduction rapide de biothérapies. Pour les uvéites multirécidivantes et résistantes, de nouveaux traitements comme le tocilizumab sont aujourd’hui disponibles, avec de nombreuses études en cours afin d’en préciser les nouvelles indications. D’autres traitements, comme les anti-IL-17, sont actuellement évalués. L’évaluation du profil cytokinique de l’humeur aqueuse de chaque patient pourrait éventuellement à terme permettre de proposer un traitement individualisé dans le cadre d’une médecine personnalisée.
La prise en charge actuelle des uvéites repose également sur les traitements locaux qui ont fait l’objet d’une communication du Pr Laurent Kodjikian dans la session du CIO. Le traitement local a en effet toute sa place dans les uvéites sans atteinte systémique associée et dans les uvéites non infectieuses unilatérales. À ce titre, l’étude HURON a révélé que l’implant de dexaméthasone permettait le contrôle d’œdèmes maculaires inflammatoires, avec une durée d’action de 4 à 6 mois. Le remboursement mi-juin 2022 de l’implant d’acétonide de fluocinolone (Iluvien) laisse espérer un contrôle local de l’inflammation jusqu’à 3 ans après l’injection intravitréenne. Ces traitements locaux peuvent également être associés aux traitements systémiques, avec toujours comme objectif d’assurer le meilleur contrôle possible de l’inflammation intraoculaire, au prix d’un minimum d’effets indésirables.

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