Actualité rétine médicale Compte rendu CFSR

La XVIe journée annuelle du CFSR (Club francophone des spécialistes de la rétine) s’est déroulée le 6 mai dernier sous la thématique « Améliorer nos pratiques ». Tour d’horizon des communications marquant l’actualité en rétine médicale présentées lors de cette rencontre.
Imagerie
Pour commencer, le Dr Mayer Srour a abordé la prédiction de la maladie d’Alzheimer au travers de l’examen de la rétine. Actuellement, aucun biomarqueur rétinien n’est utilisé en pratique courante pour le diagnostic ou le suivi de cette maladie. Les marqueurs en OCT-angiographie (OCT-A), bien qu’étudiés depuis plusieurs années, restent pauvres dans cette pathologie. Des études récentes se sont intéressées à l’analyse des rétinophotographies ultra grand champ, où il apparaît que le réseau vasculaire rétinien semble plus clairsemé dans la maladie d’Alzheimer. La question principale repose sur la précocité de ces biomarqueurs : s’ils sont validés, permettraient-ils chez les patients présentant des troubles cognitifs légers de détecter ceux qui évolueront vers la maladie d’Alzheimer ? Le rôle de l’intelligence artificielle dans l’analyse des images reste également encore à préciser.
Épithélium pigmentaire
L’épithélium pigmentaire était au cœur de cette XVIe rencontre du CFSR. Le Pr Éric Souied a présenté les avancées thérapeutiques dans la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA) atrophique. Plusieurs voies thérapeutiques sont en cours d’étude, notamment les inhibiteurs de la cascade du complément. L’APL-2, ou pegcetacoplan, est la première molécule sur le marché dans le traitement de la DMLA atrophique par voie intravitréenne. Les études de phase III DERBY et OAKS ont montré une préservation de la morphologie de la macula. Cependant, il n’a pas été retrouvé de différence sur l’acuité visuelle à 2 ans. La deuxième molécule qui a été développée est le Zimura, ou avacincaptad pegol. Les études GATHER 1 et GATHER 2 ont retrouvé une réduction du taux moyen de croissance de la taille de la lésion d’atrophie géographique de 27 et 17% respectivement.
Le Pr Isabelle Audo a présenté les succès, limites et effets secondaires des nouvelles thérapies géniques. Le voretigène néparvovec (Luxturna), seul médicament de thérapie génique actuellement approuvé, vise à remplacer la séquence codante du gène RPE65. À ce jour en France, 74 yeux de 38 patients ont pu bénéficier du traitement, avec principalement un effet sur la vision nocturne. Les tests de mobilité utilisés dans les études de phase III ont mis en évidence une éviction des obstacles plus aisée après traitement. Des cas d’atrophie survenant à distance du traitement ont été décrits mais ne semblent pas impacter le bénéfice visuel. Au vu des nombreuses perspectives thérapeutiques à venir, il a été rappelé l’importance de caractériser et de génotyper les patients atteints de dystrophies rétiniennes et de les référencer dans un centre spécialisé de la filière Sensgene.
Diabète
La matinée s’est poursuivie par une session consacrée au diabète. Le Pr John Conrath a présenté les nouveaux traitements par injection intravitréenne dans l’œdème maculaire diabétique (OMD). Aujourd’hui, l’intervalle moyen d’injection en anti-VEGF est d’environ 8 à 10 semaines et environ 30% des OMD sont non répondeurs. Avec le brolucizumab (études KITE, KESTREL, KINGFISHER et KINGLET), le faricimab (études YOSEMITE et RHINE) et l’aflibercept 8 mg (étude PHOTON), la tendance est à plus d’efficacité (assèchement obtenu plus rapidement avec moins d’IVT) et à plus de durabilité (espacement des IVT obtenu plus rapidement), réduisant ainsi le fardeau thérapeutique pour les patients et les médecins.
Le Pr Audrey Giocanti a résumé les dernières études du DRCR.net. Concernant la rétinopathie diabétique (RD), le protocole W a montré que les anti-VEGF ralentissaient l’évolution vers une forme de RD avec risque sur le pronostic visuel (soit RD proliférante ou OMD sévère), sans qu’il y ait toutefois de bénéfice visuel à 4 ans. Le protocole AA s’est intéressé à l’apport de l’imagerie ultra grand champ dans l’évaluation du pronostic évolutif des patients atteints d’une RD, avec la détection d’anomalies à prédominance périphérique. L’évolution de la rétinopathie est similaire entre les yeux présentant des lésions à prédominance périphérique sur les clichés couleurs et les yeux qui n’en présentent pas. Cependant, la présence de ces lésions identifiées en angiographie à la fluorescéine est associée à un risque plus important d’aggravation de la RD à 4 ans. Enfin, concernant l’OMD, le protocole V a montré que deux tiers des OMD avec une baisse d’acuité visuelle limitée (acuité visuelle à 8/10e ou plus) ne seront pas traités au cours des 2 années qui suivent. Une épaisseur rétinienne de plus de 300 microns, une rétinopathie sévère ou un œil controlatéral traité augmentent le risque de recourir à un traitement par anti-VEGF.
Enfin, le Pr Pascale Massin a décrit l’intérêt des biomarqueurs pour une meilleure anticipation du pronostic dans la RD. Le projet EVIRED en cours au sein de 13 départements d’ophtalmologie en France vise à développer un système expert assisté par IA pour prédire le risque d’évolution vers une forme sévère de la RD. Les résultats sont attendus d’ici 3 ans.
Dernières nouveautés
L’après-midi a été consacré à des présentations concernant les dernières nouveautés en rétine. Le Pr Valérie Krivosic a dévoilé les résultats prometteurs de l’étude de phase III portant sur l’utilisation d’un implant cellulaire contenant du ciliary neuroprotector factor (CNTF) pour le traitement des télangiectasies maculaires de type 2 (MacTel). Celui-ci est délivré par une thérapie cellulaire encapsulée mise en place chirurgicalement dans l’œil. Les résultats positifs de la phase II ont été confirmés dans les études de phase III avec une réduction de 29% dans le protocole B, et de 56% dans le protocole A, de l’élargissement de la rupture de la zone ellipsoïde. Une demande d’approbation sera bientôt déposée auprès de la FDA.
Dans le domaine de l’imagerie, Le Pr Jean-François Korobelnik a exposé l’intérêt de mesurer et de suivre automatiquement les fluides rétiniens en consultation ou à domicile. Techniquement, la quantification des fluides est possible, et la comparaison entre 2 examens successifs est très précise. La possibilité d’utiliser l’OCT à domicile pour obtenir un suivi quantitatif des fluides entre les visites chez le médecin a été soulignée. Cependant, l’intérêt d’un traitement réactif par rapport au traitement proactif du Treat and Extend ainsi que le modèle économique restent à éclaircir.
Enfin, le Pr Ramin Tadayoni a annoncé la création de l’Institut français de la myopie, le premier en Occident. Sa mission sera de réduire la cécité liée à la myopie en participant à l’effort déjà initié en Asie.
Traitements des pathologies de la rétine
L’actualité des traitements des pathologies de la rétine a été abordée pour clore les communications en rétine médicale. Le Pr Laurent Kodjikian a présenté une étude montrant que, dans plus de 80% des cas, l’OCT seul était suffisant pour prendre une décision thérapeutique concernant les OMD, la mesure de l’acuité visuelle ne modifiant pas cette décision. Cependant, l’acuité visuelle reste utile dans certains cas spécifiques tels que les OMD récents (moins de 2 ans), le suivi en PRN, le traitement par dexaméthasone injectable ou encore une acuité visuelle préservée (plus de 80 lettres ETDRS).
Enfin, le Pr Catherine Creuzot-Garcher a annoncé les résultats de l’étude STAR, qui tendent vers une prise en charge raisonnée des hématomes au cours de la DMLA. Cette étude prospective visait à évaluer le traitement chirurgical (vitrectomie et injection sous-rétinienne de TPA) par rapport au déplacement pneumatique (gaz SF6 et TPA en injections intravitréennes) comme traitement des hématomes sous-rétiniens de DMLA. L’amélioration de l’acuité visuelle dans le groupe traité par la chirurgie n’était pas supérieure à celle du déplacement pneumatique à 3 et à 6 mois. Au niveau des traitements ultérieurs, on peut noter un nombre moyen d’injections intravitréennes d’anti-VEGF identique entre les 2 groupes.
Cette rencontre du CFSR a mis en avant les progrès récents dans de nombreux domaines de la rétine médicale, offrant de nouvelles perspectives.