Actualité en ophtalmo-pédiatrie

Nouvelle classification de la rétinopathie du prématuré
La troisième édition de la classification internationale de la rétinopathie du prématuré a été éditée en octobre 2021 [1]. Au cours de la session organisée par la CFSR (Club francophone des spécialistes de la Rétine), le Dr Thibaut Chapron en a exposé les spécificités. Cette nouvelle classification définit une zone 2 postérieure au sein de la zone 2 qui correspond à 2 diamètres papillaires en avant de la zone 1. Un nouveau terme est celui de Notch. Il s’agit d’une atteinte en doigt de gant sur 1 ou 2 diamètres papillaires dans la zone la plus sévère. Le stade pré-Plus et le stade Plus deviennent le continuum d’une même maladie.
Le terme d’Aggressive-Posterior Retinopathy of Prematurity disparaît pour laisser place à l’Aggressive Retinopathy of Prematurity (A-ROP). Celle-ci est le développement rapide d’une vascularisation pathologique et d’une maladie Plus, sans que l’on observe une progression à travers les stades typiques.
La régression fait état d’une diminution de l’activité vasculaire et d’une revascularisation. Elle peut être complète ou incomplète. A contrario, la réactivation est le fruit soit d’une nouvelle ligne de démarcation, soit d’un épaissement du bourrelet ou d’une augmentation de l’activité vasculaire après traitement.
Pour finir, des sous-catégories de stade 5 ont été définies :
- le stade 5A, dans lequel la papille optique est visible ;
- le stade 5B, dans lequel la papille optique n’est pas visible ;
- le stade 5C, qui correspond à un stade 5B s’accompagnant de modifications du segment antérieur.
Comment choisir les traitements freinateurs de la myopie en 2022 ?
Les Drs Félix Fremont et Christelle Bonifas-Rodier ont exposé, au cours de la session Réfraction de l’Association francophone de strabologie et d’ophtalmologie pédiatrique (AFSOP), les clés pour bien choisir parmi les méthodes existantes de freination de la myopie.
Les mesures environnementales sont à associer de façon systématique à un temps passé à l’extérieur (au moins 11 à 14 heures par semaine). Il faut proposer des pauses régulières, une distance de lecture appropriée sans inclinaison de la tête, en modifiant régulièrement les distances de fixation de près à loin.
En ce qui concerne les mesures pharmacologiques, l’atropine à 0,05% semblerait plus efficace que l’atropine à 0,01% [2]. Cette dernière reste néanmoins le dosage de première intention car elle est sans effets indésirables sur l’accommodation, avec un effet freinateur sur l’équivalent sphérique mais aussi sur la progression de la longueur axiale [3].
Les verres correcteurs utilisant le Defocus Incorporated Multiple Segments (DIMS) montre une progression 2 fois moins rapide de la myopie et une réduction de 62% de la progression de la longueur axiale par comparaison avec des verres unifocaux [4]. Ceux équipés de la technique du Spectacle Lenses With Asphérical Lenslets permettent également un ralentissement de la progression de la myopie de 55% en termes d’équivalent sphérique, et de 50% sur la longueur axiale [5]. Les lentilles jetables journalières de type MiSight Lenses ont un pouvoir freinateur similaire à celui de verres freinateurs [6]. Quant à l’orthokératologie, elle réduirait la progression de la longueur axiale de 43% [7].
Une myopie pédiatrique est une myopie évolutive surtout dans la tranche d’âge de 6 à 12 ans. Il est suggéré de proposer rapidement un traitement freinateur pour une myopie de début précoce. Pour rappel, une myopie est considérée comme évolutive lorsqu’on observe une augmentation annuelle de 0,50 dioptrie. Les principales techniques de freination se valent et le choix du traitement de première intention dépend de la myopie de départ, de l’accès aux différentes thérapeutiques, de la demande de l’enfant et de sa famille ainsi que des ressources financières. Quoi qu’il en soit, le suivi est primordial, avec des réfractions sous cycloplégie et des biométries oculaires itératives.
Kératoconjonctivite vernale : bien dépister pour mieux traiter
Au cours d’un symposium proposé par le laboratoire Santen, les Prs Marc Labetoulle, Dominique Brémond-Gignac et le Dr Serge Doan ont fait le point sur la prise en charge actuelle de la kératoconjonctivite vernale (KCV).
La KCV est une pathologie allergique inflammatoire sévère potentiellement cécitante à récurrence saisonnière. La forme tarsale (papilles géantes) est la plus fréquemment retrouvée en Occident viennent ensuite les formes limbique (nodules de Trantas) et mixte. La KCV atteint essentiellement les garçons de 3 à 15 ans. L’évolution se fait sur une période de 4 à 10 ans suivant le début de la maladie [8], avec une résolution théorique à la puberté.
La gravité de la maladie est liée aux complications cornéennes (kératocônes, taies cornéennes…) dans 10 à 30% des cas et aux complications cortico-induites (glaucome, cataracte) dans 3,5% des cas [9]. L’impact social est marqué car elle affecte les activités quotidiennes et les performances scolaires [10].
La prise en charge se résume en 14 points :
- éducation thérapeutique des parents et des enfants ;
- désensibilisation ;
- éviction des facteurs déclenchants ;
- évitement d’une exposition solaire (casquette, visière et lunettes de soleil) ;
- lavages au sérum physiologique froid ;
- larmes artificielles froides ;
- hygiène des paupières avec des compresses froides ;
- collyre antiallergique ;
- antihistaminiques oraux ;
- corticothérapie locale en cures courtes en cas de crise ;
- traitement des complications (ulcères, plaques vernales) par des corticoïdes topiques à forte dose et en cures courtes puis, si nécessaire, retrait de la plaque associé à la mise en place d’une membrane amniotique ;
- traitement cortico-épargneur par immunomodulateur dans les formes résistantes ou corticodépendantes (ciclosporine à 0,1%) ;
- suivi régulier ;
- prise en charge psychologique si nécessaire.
Le verkazia (ciclosporine 0,1%) est la seule ciclosporine ayant l’autorisation de mise sur le marché (AMM) en Europe pour la VKC à partir de 4 ans. Dans cette formule, la ciclosporine est contenue dans une émulsion cationique qui augmente sa biodisponibilité et améliore sa tolérance. Elle est donc à prescrire en première intention.
L’étude VEKTIS [11,12] comparait le verkazia à son émulsion cationique seule. Les résultats ont montré que la posologie de 4 fois par jour était légèrement plus efficace qu’une posologie biquotidienne. La posologie officielle à 4 gouttes par jour n’est pas toujours facile à respecter. En pratique clinique, le nombre de gouttes est modulable en fonction des symptômes. Il est aussi possible de grouper dans un intervalle de temps plus court les 2 premières gouttes et les 2 dernières gouttes pour respecter la posologie. Dans les formes strictement saisonnières, un arrêt de la ciclosporine peut être planifié uniquement en période hivernale, avec une reprise du traitement au début du printemps. Sur une forme perannuelle, on peut la maintenir sur toute l’année et moduler les doses en fonction des pics et des crises.
La ciclosporine hospitalière à 2% (hors AMM) garde sa place dans les formes extrêmement sévères qui échappent au traitement par verkazia. Viennent ensuite le ciclograft 2% et le talymus 0,1% (tacrolimus en collyre), tous 2 disponibles en autorisation transitoire d’utilisation (ATU), en cas de résistance à la ciclosporine hospitalière à 2%.
Références bibliographiques
[1] Chiang MF, Quinn GE, Fielder AR et al. International classification of retinopathy of prematurity, third edition. Ophthalmology. 2021; 128(10):e51-e68.
[2] Yam JC, Jiang Y, Tang SM et al. Low-concentration Atropine for Myopia Progression (LAMP) Study: A randomized, double-blinded, placebo-controlled trial of 0.05%, 0.025%, and 0.01% Atropine eye drops in myopia control. Ophthalmology. 2019;126(1):113-24.
[3] Hieda O, Hiraoka T, Fujikado T et al. Efficacy and safety of 0.01% atropine for prevention of childhood myopia in a 2-year randomized placebo-controlled study. Jpn J Ophthalmol. 2021; 65(3): 315-25.
[4] Lam CS, Tang WC, Tse DY et al. Defocus Incorporated Multiple Segments (DIMS) spectacle lenses slow myopia progression: a 2-year randomised clinical trial. Br J Ophthalmol. 2020; 104(3):363-8.
[5] Bao J, Huang Y, Li X et al. Spectacle lenses with aspherical lenslets for myopia control vs single-vision spectacle lenses: A randomized clinical trial. JAMA Ophthalmol. 2022;140(5): 472-8.
[6] Chamberlain P, Peixoto-de-Matos SC, Logan NS et al. A 3-year randomized clinical trial of MiSight lenses for myopia control. Optom Vis Sci. 2019;96(8):556-67.
[7] Cho P, Cheung SW. Retardation of Myopia in Orthokeratology (ROMIO) study: a 2-year randomized clinical trial. Invest Ophthalmol Vis Sci. 2012;53(11):7077-85.
[8] Kumar S. Vernal keratoconjunctivitis: a major review. Acta Ophthalmol. 2009;87(2):133-47.
[9] Brémond-Gignac D, Donadieu J, Leonardi A et al. Prevalence of vernal keratoconjunctivitis: a rare disease? Br J Ophthalmol. 2008;92(8): 1097-102.
[10] Sacchetti M, Baiardini I, Lambiase A et al. Development and testing of the quality of life in children with vernal keratoconjunctivitis questionnaire. Am J Ophthalmol. 2007;144(4):557-63.
[11] Leonardi A, Doan S, Amrane M et al. A randomized, controlled trial of cyclosporine a cationic emulsion in pediatric vernal keratoconjunctivitis: The VEKTIS Study. Ophthalmology. 2019; 126(5): 671-81.
[12] Leonardi A, Dupuis-Deniaud M, Brémond-Gignac D. Clinical efficacy assessment in severe vernal keratoconjunctivitis: preliminary validation of a new penalties-adjusted corneal fluorescein staining score. J Mark Access Health Policy. 2020;8(1):1748492.